mercredi 26 mars 2008

La Bolivie est un long fleuve tranquille


Notre séjour de sédentarité en Bolivie se termine. Et il s'est terminé de manière un peu abrupte. Il semble que j'ai finalement dû payer pour ma bonne santé des 7 derniers mois. Donc, près de 2 ans jour pour jour après ma thrombose, j'ai dû m'alliter pour presque 4 jours. Mais tout va mieux. Et c'est avec un peu de nostalgie que je quitterai la Bolivie.

C'est un peu dur à expliquer mais j'y ai pris goût à cette Bolivie. En soi elle n'est pas fondamentalement différente de l'Équateur ou, disons, de la Colombie mais elle m'a touchée d'une manière différente. À mon retour, vous ne manquerez de me demander: "Pis, c'était quoi ton pays préféré?". En tout honnêteté, je devrai répondre la Colombie. Pour tout ce que le pays a de bouleversant, de grandiose, de festif. La Colombie est humaine. Peut-être un peu trop. Avec ses excès de passion, ses morts et ses fêtes.

Mais la Bolivie me semble représenter une force bien différente mais autant, sinon plus, impressionnante. C'est le long fleuve tranquille. Car le film s'apparente drôlement à cette Bolivie que j'ai pu connaître. 2 familles, complètement différentes qui n'auraient peut-être pas dues se rencontrer. Une histoire attendrissante sur les différences sociales.

Or, en Bolivie, l'histoire a semblée attendrissante et folklorique jusqu'à ce que les pauvres prennent le pouvoir. Et depuis, rien ne va plus. Mais ce conflit, vieux comme le monde et évidemment semblable à celui qui se produit au Venezuela, au Nicaragua, au Chili de Allende, est particulier en Bolivie.

La question raciale y est nettement plus marqué. Mais aussi, la force tranquille de ces Indiens qui, relégués à une classe inférieure depuis presque 500 ans, ne tendent plus l'autre joue mais ne giflent pas non plus. Le film La vie est un long fleuve tranquille faisait notamment entendre une chanson s'appelant "Reviens Jésus". En Bolivie, on n'attend plus un Messie. Car les valeurs religieuses semblent imprégner ces mouvements sociaux maintenant parvenus au pouvoir. L'appel au dialogue avec la détermination de changer la société pour les déshérités. Les droits humains, même ceux des ennemis d'hier qui sont souvent encore ceux d'aujourd'hui. Je vous ai raconté il y a 2 ans ma rencontre fatidique avec Hugo Chavez. Terrifiant. Celle advenue avec Evo samedi dernier a été toute autre. Quelqu'un qui est apparu bien simple, ouvert mais déterminé à faire régner la justice. Impressionnant. Si vous lisez ce blog vous savez que je m'intéresse à la politique. Or, aussi impliqué que j'aie pu l'être dans les dernières années, je me méfie des partis et, encore plus, des politiciens. Et bien, peut-être qu'une fois n'est pas coutume.


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jeudi 13 mars 2008

Il faudra que tu meures, si tu veux vivre, Bolivie



C'est une évidence que la mondialisation ne fait pas que commencer. Mais, aujourd'hui, en 2008, certains économistes bien-pensants disent à la Bolivie que la solution à ses problèmes économiques est une ouverture au marché mondial. Ils doivent se concentrer très fort pour fermer les yeux sur la ville de Potosi.

Potosi, un drôle de nom pour un bien drôle d'endroit. Le nom est synonyme de mines. Mais l'importance de Potosi au niveau mondial passe trop souvent inaperçue. Voyons voir. En 1573, 120.000 habitants, espagnols, européens divers, africains et "naturels" étaient récensés à Potosi. En 1611, ce sont 150.000 habitants qui se partagent 16 000 maisons réparties en 594 rues.

Voyons voir le reste du monde.

Londres en 1600 comptait environ 200.000 habitants. Les autochtones Lenape menaient leur vie tranquilement sur ce qui allait devenir New York ou New Amsterdam 50 ans plus tard. Québec n'était pas encore fondé, évidemment.

Alors que l'on va se pêter les bretelles de l'arrivée d'une couple d'aventuriers il y a 400 ans, cette année Potosi fête son 473 anniversaire. En fait, ce n'est pas la ville qui a 473 ans, mais la mine, qui fonctionne toujours.

Ouvrir la Bolivie au commerce mondial disent-ils. L'argent miné à Potosi est d'une valeur inestimable. La rumeur veut que l'on aurait pu construire un pont d'argent jusqu'en Europe. Selon les registres officiels, ce sont 45.000 tonnes d'argent pur qui ont été retirées de Potosi entre 1556 et 1783. Dans Don Quijote, l'oeuvre de Cervantés, le terme Potosi est utilisé pour décrire "une richesse extraordinaire".

Pour avoir un aperçu de la richesse générée au dépens des mineurs, rien ne vaut la description d'un mec de l'époque, Bartolomé Arzans.

L'auteur énumère l'origine des biens que l'on retrouve à Potosi. Je vous épargne une partie de la description.

"Allemagne, avec des épés et tous genre d'acier, Gênes avec du papier, la Calabre avec de la soie, Naples avec des chaussettes et des tissus (...) Rome avec des peintures pertinentes (!), l'Angleterre avec des chapeaux et tous types de tissus de laine, Venise avec du cristal, Chypre et les côtes africaines avec de la cire blanche, l'Inde orientale avec des cristaux, du marbre et des pierres précieuses, le Sri-Lanka avec des diamants, l'Arabie avec des parfums, la Perse, le Caire et la Turquie avec des tapis, Malaca et Goa (Inde) avec tous genre d'épices, la Chine avec des vêtements de soie extraordinaires, le Cap Vert et l'Angola avec des noirs (!), etc, etc, etc.

On parle même de chapeaux de castor venus de Nouvelle-France...

S'ouvrir au marché extérieur, qui disent...

Mais Potosi n'est pas morte. Elle n'a sans doute pas l'éclat d'antan mais la mine du Cerro Rico fonctionne toujours. Et Danielle et moi sommes allés la visiter aujourd'hui.

Certains disent que l'usine d'Alcan, pour les gens du Saguenay, est perçue comme un organisme vivant. Un organisme qui peut aller bien, être malade, qui respire. Potosi ne respire pas, mais son coeur bat. Il bat à coup de dynamite, de nitrate d'ammoniac, de marteaux-piqueurs. Potosi pleure aussi. Des milliers de litres d'eau qui coulent de ses galeries.

L'argent est bien épuisé. Après près de 500 ans d'exploitation les mineurs gagnent la loterie lorsqu'ils trouvent un filon. Il faut dire que l'once vaut 20$ sur le marché mondial. 20$: leur salaire pour 2 jours. 15.000 mineurs cherchent tout de même du zinc et d'autres métaux.

Et la vie dans ces mines, gérées par des coopératives de mineurs est le témoignage d'une époque que plusieurs poensaient révolue. L'époque des berlines, ces chariots poussés sur des rails par des adolescents. Ces hommes, plus jeunes que moi, qui, à 4 mains, pousseront près de 3000 livres sur des kilomètres.

C'est un mélange tout à fait hallucinant des mineurs de charbon de Germinal, d'Émile Zola, d'Indiana Jones et le Temple Maudit et de Donkey Kong au Super Nintendo.

Mais ce que ni la plume de Zola, ni le film, ni le jeu-vidéo ne savent rendre est ce qui rend la chose aussi bouleversante. Car le bruit et l'odeur comme dirait l'autre rendent le tout une expérience d'un autre monde. Mais ce n'est pas que le bruit d'explosion, de marteaux-piqueurs et d'eau qui dégoutte, ni tout à fait l'odeur de souffre qui créent la mine. C'est aussi la poussière, inévitable, les changements de température soudains qui vous transportent dans un autre monde, celui des profondeurs.

Car Dieu reste à la surface. Le trou, c'est le domaine du Diable. Le Tio, comme l'appellent les mineurs. Ils le respectent, lui offrent des cigarettes, des feuilles de coca qui constituent leur seule alimentation en bas, de l'alcool. Pas de la bière, de l'alcool. 96%. Ce que les mineurs boivent le vendredi, sans doute pour se prouver qu'ils sont encore en vie. La croyance veut que plus l'alcool est pur plus les métaux le seront...

On me l'a mentionné à quelques reprises. Non, je ne fais pas le voyage à motocyclette de Che Guevarra. N'empêche que la condition des mineurs chiliens est proche de celle des boliviens d'aujourd'hui. Mais ici ce sont des coopératives qui gèrent. Hé oui, la misère aussi peut être autogérée.

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lundi 3 mars 2008

Frites sauce sous les tropiques

Nous revenons du Chili, pays où nous sommes allés afin de sortir de la Bolivie pour y entrer à nouveau. Enfin. Le Chili est un bien drôle de pays, enfin, ce que 5 jours m'ont pou faire comprendre. Premièrement, les automobilistes laissent passer les piétons. Une révolution en soi. Mais le Chili c'est aussi le prédateur numéro 1 du continent. C'est celui qui a bouffé le territoire des voisins et qui ne semble pas vouloir arrêter, une dispute avec le Pérou sur des limites maritimes étant d'actualité.

Mais le Chili m'est apparu comme la frite sauce de la gastronomie québécoise. Il y a l'incontournable poutine, et à côté il y a la frite sauce. Elle lui ressemble, mais il manque quelque chose. En arrivant au terminal de bus de Arica, une ville chilienne à la frontière entre le Pérou et la Bolivie, le visiteur est accueilli par une murale indiquant: "Retournes dans ton pays, indien illégal". Le tout enjolivé d'une croix gammée. On est au Chili en 2008. Arica est aussi remplie de jeunes "emo", un style vestimentaire et musicale particulièrement... larmoyant. Est-ce la dictature de feu Pinochet qui fait pleurer la jeunesse¿

Mais parler ainsi du Chili serait faire injustice à tous les Chiliens du Québec, qui compte parmi leurs rangs un nombre impressionant de personnes dévouées à faire du Québec une société meilleure.

Pour revenir à la Bolivie, le blogue "Voix de faits" a publié un texte intéressant sur la politique du pays. Je vous invite à le lire.

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