mardi 24 mars 2009

Dans vos dents, les primitivistes


Ce petit clip a circulé sur internet et il m'a fait bien rire.

Je suis présentement un cours de sociologie sur la politique des sciences et de la technologie. En fait, j'en suis à me demander si je ne suis pas en train de rater complètement ma "carrière".

Selon moi, le meilleur de l'évolution et de la civilisation humaine se trouve à la Bibliothèque Gabrielle-Roy. C'est comme la pointe de l'iceberg de millions d'années d'évolution. Si ce n'étais pas de la bibliothèque Gabrielle-Roy je serais une personne complètement différente, et je doute fort que je serais à l'université aujourd'hui.

Ce mois-ci est sorti le DVD sur Dédé Fortin, "Dédé à travers les brumes". J'ai vraiment hâte de le voir. En fait, le premier disque (entendre cd) que j'ai écouté ça a été à la Bibliothèque Gabrielle-Roy. Il était possible, dans le coin des Enfants (!) de demander un disque et de l'écouter assis dans une immense banquette. Ce qui était le plus merveilleux de la chose c'était les écouteurs. Ils avaient des espèces de "mousse" immense de deux couleurs, jaunes et bleus. Le comble du chic était de demander une paire avec deux couleurs différentes. Là, on rockait le coin des enfants. J'ai donc demander le disque des éponyme des Colocs, nous sommes en 1993. Je m'en rappelle parfaitement. Je connaissais les chansons pour les avoir déjà entendues à la radio. Mais là c'était différent. J'étais le seul à les entendre. C'est comme si elles étaient chantées que pour moi, à travers la mousse jaune et bleue. Je me suis senti privilégié.

Puis, en 1994, on crée le club Crok-Livres. Je me suis défoncé dans la lecture d'une manière inégalée encore depuis. J'ai dû lire une centaine de livres en 100 jours. J'étais tellement fier de voir les étoiles s'accumuler devant mon nom et de porter fièrement le t-shirt (absolument horrible) du club. J'étais un nerd en devenir. Mais, c'est aussi là que j'ai dû admettre des réalités que je n'ai pas pu oublier depuis. 1. Les immigrants sont là pour rester. 2. Les jeunes immigrants savent lire et ils ont la ferme intention de lire plus de livres que moi et de gagner le concours Crock-Livres. Je crois que depuis ce moment je n'ai pas pu voir les immigrants comme des profiteurs ou des lâches. Et Québec, qui a la réputation d'être si blanche et homogène c'est pas la Québec de la Bibliothèque où les immigrants se tiennent. C'est pas dans un centre d'achat, c'est à la bibliothèque que la ville montre son ouverture et sa culture. Qu'on se le tienne pour dit.

La Bibliothèque avait encore, jusqu'à preuve du contraire, un abonnement quotidien à La Stampa, un journal italien qu'à peu près personne ne lisait à Québec mais aussi au journal cubain Granma, édition française svp. On peut penser ce qu'on veut du régime cubain mais parmi les centaines de journaux disponibles à Québec c'est sûrement un des seuls se réclamant d'un système différent que celui que nous connaissons. Et il était à Gabrielle-Roy.

Et si, aujourd'hui en 2009, quelqu'un proposait qu'au lieu d'emprunter des livres on puisse emprunter des oeuvres d'art pour les mettre dans son salon une couple de semaines et ensuite en mettre d'autres, on le traiterait de fou c'est assuré. Je n'ai évidemment jamais loué de peintures à la Bibliothèque mais j'ai toujours trouvé le principe génial.

Mais, pourquoi je délire sur la Bibliothèque Gabrielle-Roy? Parce que mon cours sur la science et la technologie m'a rappelé que j'aime la science. Vraiment. J'apprends dans ce cours des anecdotes et des découvertes qui font ressurgir cette passion d'enfant. Car, le soir, à Gabrielle-Roy, je participais au Club des Débrouillards. Cette initiation à la science pour les jeunes. Mon abonnement annuel à la revue s'est muté en abonnement à Québec Sciences à mesure que je vieillissais. Je n'aurais jamais dû le résilier. Autour de 1995, les Débrouillards ont tenu un genre de grand congrès à l'école primaire Fernand-Séguin à Ste-Foy. Une école publique mais "spécialisée". C'est là que j'ai été sur internet pour la première fois, à l'époque où le site de la NASA était LA référence. Ça faisait des années que le magazine des Débrouillards parlait d'"autoroute de l'information" mais je comprenais franchement rien à ce concept. Tout d'un coup, internet est apparu. C'est ce qui m'amène à la raison pourquoi j'écris ce post. Je suis émerveillé.

Dans ma conférence sur les sciences et technologie, le jeune enseignant(qui assiste
le prof Dominique Pestre) parlait d'à quel point le photocopieur a révolutionner le monde du savoir. Et là il a mentionné un appareil, que j'avais complètement oublié, où l'on tournait un rouleau et là ça ré-imprimait ce qui avait été écris à la main sur une feuille spéciale. En cherchant un peu sur internet j'ai compris que ça s'appelait une Ditto Machine. En fait, le seul souvenir que j'en ai c'est la couleur mauve et une drôle d'odeur. Je donne cet exemple juste pour vous illustrer le chemin parcouru.

Je fais présentement une recherche sur les fonds de travailleurs, genre le Fonds de solidarité FTQ. Dire que j'ai accès aux articles de journaux écris depuis 1980 directement sur internet (depuis la France!) paraît une évidence. Menute! Il y a 10 ans j'aurais dû me taper des micro-films qui rendent fou et étourdi. Là je tape des mots-clés et je fais copier-coller. INCROYABLE. Mais, encore mieux. Je suis en France. Mon sujet concerne le Québec. Il suffit de lire de vieux auteurs pour se rendre compte que la correspondance entre les auteurs est souvent aussi importante et riche que les textes officiels de ces mêmes auteurs. Là, je cherchais un texte de Louis Gill, un ancien prof de l'UQAM. Sciences-Po, contrairement à la prétention de la bibliothécaire de l'École doctorale, n'a pas tous les livres du monde (quoique c'est quand même la plus grande bibliothèque en sciences sociales de l'Europe continentale).

Je cherche donc sur un site révolutionnaire (je pèse mes mots), Les Classiques des Sciences Sociales. Plusieurs profs français, qui veulent que les étudiants lisent un texte, leur disent: "Aller sur le site des Classiques, c'est un site d'un canadien, Jean-Marie Tremblay". Ils le disent comme s'il connaissait Mister Tremblay. Qu'est-ce que c'est ce site? Si vous étudiez en sciences sociales, vous le connaissez, pour les autres donc. Un prof de socio obscur de Chicoutimi s'est mis en tête de scanner et de recopier des milliers de livres de sciences sociales. Comme ça. Bénévolement. Le type dit consacrer "tout ses temps libres" à la tâche. Je le crois. Ses motivations? Notamment, "je me sens aussi comme les moines du début du Moyen Age (XIe et XIIe siècles) qui retranscrivaient pour la postérité les textes latins." Le site indique qu'il y a 3775 oeuvres originales de 1145 auteurs.

Pour en revenir à ma recherche. Il y a disons 50 ans, rien de tout ça n'existait évidemment. Pour pouvoir lire le texte du professeur Gill j'aurais dû lui envoyer une lettre (ou un télégramme), attendre sa réponse et puis... Je sais pas. Il aurait envoyer par la poste le texte (qui aurais pris un bout à arriver) et je l'aurais payé d'une certaine manière. On aurait sûrement correspondu un certain temps et l'opération aurais pu prendre des mois. D'autant plus que je n'aurais sûrement pas pu connaître l'existence de ce texte que grâce à des "contacts". Car il y a sûrement pas de petits tiroirs avec des fiches sur un article scientifique québécois.

Que s'est-il passé cette semaine? Quand j'ai vu que le texte de M. Gill n'étais pas sur le site du prof Tremblay, j'ai ouvert mon compte email et je lui ai écrit. Il m'a répondu SEPT MINUTES PLUS TARD. Pour me dire, que, de fait, il croyait avoir mis le texte en ligne mais que finalement non. J'écris au prof Gill. Il me répond LE LENDEMAIN. Le surlendemain, son texte était sur le site des Classiques. Je capote! C'est tu pas beau la vie.

Derrière cette technologie il y a aussi des humains dévoués. Peut-être que Jean-Marie Tremblay s'inscrira dans l'histoire des sciences francophones comme un de ceux-là.

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mardi 17 mars 2009

Bienvenue dans le vrai monde.

Il y a semble t'il un mouvement social effervescent en France. Il paraît même qu'il y aura une grève générale jeudi. En fait, ce message sera plus long que d'habitude. Je tiens à être précis, je ne voudrais pas que l'on comprenne des choses que je n'ai pas tapé. Mais, aujourd'hui, des étudiants venus d'universités parisiennes sont venus occupés mon école, Sciences Po. Intéressant. Si vous trouvez le message trop long, ne le lisez pas. Je vous aurai prévenu.

Au Québec, l'occupation est une des tactiques du mouvement étudiant et de d'autres mouvements sociaux. Elle n'est pas toujours efficace mais assez pour faire parler des revendications. La grève générale illimitée dérange souvent bien plus le gouvernement mais l'occupation ne laisse pas sa place non plus. Or, chez nous on occupe d'abord son cégep ou son université puis on va ailleurs, où ça fait mal. Ministères, Conseil du Patronat, et pour les fous, le Pont Jacques-Cartier.

Quand certains occupent le Conseil du Patronat c'est dans une logique différente que lorsqu'on occupe le cégep du Vieux. Le Conseil du Patronat, on l'occupe parce que c'est l'ennemi, le cégep parce que c'est à nous. Ce sont deux logiques différentes. Aujourd'hui, quand environ une centaine d'étudiants parisiens sont venus occuper Sciences Po, une école où ils n'étudient pas, ça relève de la première logique. Je vous ai déjà parlé de Sciences Po, quelle genre d'école c'est, sa réputation.

Voici donc un récit détaillé des événements d'aujourd'hui.

18h45: Je suis assis dans "La Péniche", le hall d'entrée en train de lire un nouveau livre, On the Road de Jack London. Traduction italien, faut bien que je me fasse un peu de vocabulaire. Et là, environ une centaine de jeunes, esquivant le contrôle de cartes d'identité imposé depuis plus d'une semaine à l'entrée, entrent de je ne sais où et déroule une bannière. Slogan: "Dissolution des IEP, l'élite française est "internée" (Je suis pas sûr du dernier mot). Vous voyez le genre. Ou encore, un autre à la rime difficile: "Quand le savoir est au service du pouvoir, les futurs chômeurs viennent voir les futurs cadres". Et vous savez le plus terrible, c'est que c'est exactement le cas. Impossible de douter que les étudiants de Sciences Po, et de ne pas m'inclure serait hypocrite, sont les futurs cadres et que les étudiants en sciences humaines d'universités publiques françaises seront en grande partie chômeurs.

L'occupation semble prendre tout le monde par surprise. Je croise des copains de SUD-étudiant, un syndicat auquel je sympathise, ils ont pas trop l'air de savoir quoi faire. D'autres amis, d'un groupuscule trotskiste dont la cordialité est inversement proportionnelle au nombre de leurs membres, commencent à distribuer des tracts mais n'avaient pas trop l'air prévenus non plus.

18h46: Première hostilité. Un étudiant de Sciences Po, tout à fait bourgeois, se met à insulter les occupants et crient l'injure suprême: "Gauchistes". Je souris. Là, quelqu'un me donne une pile de tracts. Je ne sais pas trop quoi faire avec. Je ne les ai même pas lus. Les gens me les prennent des mains. Je passe aussitôt pour quelqu'un de renseigné. Un espèce de directeur m'en demande un poliment. J'ai peur de m'être mis les pieds dans les plats.

18h50: Le groupe d'occupants entre dans l'amphithéâtre Boutmy, le principal de Sciences Po. Il y a un cours qui commence, et, manque de chance, c'est celui d'Olivier Duhamel.
C'est là que commence le plaisir. Le célèbre prof propose aux occupants d'assister à son cours sur la Cinquième République française (et mentionne qu'il doit recevoir quelqu'un comme l'ambassadeur américain ou quelque chose comme ça) et qu'il offrira 20 minutes de son cours en débat. Les occupants refusent. Il demande aux étudiants de Sciences Po, sagement assis à leurs places de voter. Immense majorité pour. Duhamel quitte. Avant de quitter, il tient à préciser au micro: Sciences Po n'est pas une Grande École mais plutôt "une université d'excellence". Il dit que Sciences Po est le seul Grand Établissement à avoir une convention ZEP, qui aide les étudiants de banlieues problématiques à entrer dans l'Institution. Tonnerre d'applaudissement des étudiants Sciences Po, dont une infime minorité participe réellement de ces conventions ZEP. Je suis un de ceux-là, dans un certain sens.

Sur la scène de l'auditorium, une fille fume une cigarette immense en y prenant un plaisir exagéré. Par dilettantisme, comme dirait Andrea, une argentine qui m'enseigne le français...
En arrière, où je suis assis, un gars se met à râler des obscénités. Il pue l'alcool (vade retro) et tient une canette de 1664 à la main. Et là, le vrai choc des cultures.

À McGill, j'ai suivi un cours original sur une comparaison entre les castes en Inde et les races au Brésil. Et, je savais que les castes étaient une organisation hiérarchique et héréditaire de la société mais il me manquait un élément pour en saisir l'essence. En fait, je ne comprenais pas comment des Brahmanes pauvres, d'une caste supérieure, pouvait dominer des Intouchables qui avaient fait fortune. Ce qui me manquait comme concept c'était celui du dégoût. Car le Brahmane est dégoûté par ses inférieurs. La répulsion va même jusqu'à être dégoûté de l'ombre de l'autre. Malheur au membre d'une caste supérieure qui se verra faire de l'ombre par un inférieur. De fait, les inférieurs devront donc se promener lorsque l'ombre est petite, en plein midi. Je simplifie à l'extrême mais c'est pour bien expliquer cette question de dégoût.

Car aujourd'hui, à Sciences Po, ce n'était que ça. Le mec qui criait des obscénités ne disait pas "Espèces de cons qui obéissez à votre prof" non, il parlait à un garçon de "bonne famille" et lui disais qu'il avait une chemise de pédé. D'aller se mettre de l'eau de Cologne. Jusqu'à le traiter de Nazis, ce qui était inévitable. Les occupants de l'avant de l'amphithéâtre scandent "Grève générale", celui avec la canette de bière répète "Guerre générale". Mais le dégoût des étudiants de Sciences Po est bien plus grand. Car il peut se fonder sur une valeur dominante: la méritocratie.

Car, officiellement, Sciences Po n'est pas une université américaine qui admet des étudiants en fonction de leurs parents. On appelle ça "legacy admission". À Sciences Po, chaque étudiant, en principe, doit réussir soit un concours (l'Institution en prend quelque chose comme 5%) ou une admission par dossier pour la maîtrise par-exemple. Les étudiants de Sciences Po sont donc dégoûtés par les intrus car 1) ils sont habillés différemment, parlent différemment et sentent différent (donc d'une autre classe) mais aussi 2) car s'ils ne sont pas à Sciences Po, ce sont forcément soit des idiots ou des lâches.

Mais, ne vous méprenez pas sur le titre de ce post. Les "gauchistes" venus de la Sorbonne et d'ailleurs ne sont pas "le vrai monde". Le titre fait référence à un grand graffiti sur l'arche d'entrée de l'Université Nationale à Bogota, sûrement la seule université pour laquelle, lorsqu'on tape son nom dans Google images, on trouve immédiatement des images de types cagoulés lançant des pierres à des policiers.

Tout ça pour dire que le choc entre les étudiants de Sciences Po et les "autres" a été brutal. Deux mondes qui se rencontrent. Et qui se méprisent.

Maintenant, passons à la partie "analyse politique" des camarades de Sciences Po. Certains vont se reconnaître. Sachez que je crois que vous avez tous raison et tous tort. Moi évidemment je n'ai que raison puisque pendant l'occupation j'étais en train d'écrire dans mon cahier, sans prendre part à quoi que ce soit. L'intellectuel de service, haut perché dans sa tour d'ivoire. Espérons que ça ne m'arrive pas trop souvent.

Les camarades de SUD se sont joint aux occupants, malgré la surprise. C'est la politique du fait accompli comme dirait Falardeau. La situation pour eux n'est pas de savoir si c'est une bonne chose ou non que des "étrangers" soient venus occuper. Il s'agir de faire avec. De travailler avec eux (c'était plus eux que elles). Les gens de l'UNEF, généralement si fiers de se dire majoritaires, se tiennent assez tranquilles.

Tout prêts de moi sont les trotskistes d'un groupe qui je baptiserai la "Portion", petit clin d'oeil. Un de ceux-là est un bon exemple de jusqu'où peut aller le prosélytisme. Le gars se lève à 5h du matin pour aller passer des tracts à la porte d'une usine à 1h de Paris. Il a jamais travaillé en usine mais il me rassure en me disant que les gens de l'extérieur peuvent jouer un rôle positif car ils ne sont pas sujets à la répression du patron. Honnêtement, ça me laisse songeur. J'imagine trop pas le gars se pointer à la Gate de Molson pour passer des tracts d'un groupuscule trotskiste issu de la scission d'une scission d'une scission. Ça veut pas dire que ce qui est écrit dans le tract est pas intéressant mais, sérieux, à Molson ça prendrait 5 minutes et les boss syndicaleux l'expulserait. Je précise. Pas les patrons, les boss syndicaleux. La vie est ainsi faite. Mais, moi à 5h du matin, je suis chez moi, à ne faire strictement rien pour changer cette société. Qui suis-je donc pour le critiquer?

Donc, les camarades de la Portion, sont manifestement contre l'occupation. Ils se délectent de l'amateurisme des occupants, s'en moquent à qui mieux-mieux. Beaucoup mieux que les étudiants de droite qui pourtant ne chôment pas dans les commentaires incendiaires. Car, effectivement, l'occupation de Sciences Po était une aventure. Menée par des aventuriers. Car Lénine n'a t'il pas lui-même critiqué l'aventurisme politique. Ce qu'il faut c'est donc créé un mouvement social, un Parti, une Armée (vous les mettez dans l'ordre qu'il vous plaît). Et cette occupation vient complètement de miner tous les efforts de mobilisation que pleins de gens (tant de la Portion que de SUD) ont mis au local, à Sciences Po.

Je vous épargne le récit de dialogues, quoique certains sont particulièrement édifiants. Je note quand même qu'à 18h25 on lit la liste de revendications de la coordination nationale des universités en lutte où il a été voté, et je cite, "pour la non-reconnaissance des diplômes du Vatican". À 18h45, un gars qui préside l'espèce d'Assemblée propose la parité garçon et fille dans les tours de parole. À ce moment, si mes notes sont bonnes, aucune fille n'a pris la parole. Cela fait une heure que l'occupation est commencée. Comme toutes les propositions, elle reste lettre-morte.

À cet effet, lorsqu'un ami de SUD vient voir ceux de la "Portion" il leur dit qu'il faut faire une Assemblée et voter des revendications, des propositions. Et là, le copain qui distribue des tracts aux portes d'usine s'exclame: "Sous le gauchisme, le légalisme le plus plat". Car, apparemment, avoir des tours de parole, voter des propositions et des amendements est du légalisme.

Je sors finalement à 19h17. On a déjà annoncé qu'il y avait 40 minibus de CRS, des types pas tout à fait sympatiques. À 19h15, une fille arrive et dit "C'est blindé de fachos dehors". C'est décidé, je sors.

Car, la politique française est parfois le fait d'affrontements violents avec des nazillons, je me vois pas trop me faire tabasser par une bande d'attardés d'extrême-droite pour m'être trouvé au mauvais endroit.

En fait, des néo-nazis il n'y en avait pas. Il y avait mieux. Des royalistes. Des partisans du retour de la monarchie. Là, c'est le comble. J'exulte et je me dépêche de rentrer à la maison pour le Ultimate Frisbee de 20h30. À l'extérieur, une foule massive (et des centaines de flics). Je croise les trotskistes de la Portion. Ils scandent des slogans folkloriques. À l'extérieur. On est définitivement plus confortable dans une manif d'appui qu'en dedans où les CRS menacent de faire le ménage. Leur dédain des "aventuriers" me rappelera mai 68, où le Parti Communiste se dissocia complètement du mouvement des étudiants. Ils ont eu raison, mai 68 n'a pas été une révolution guidée par un mouvement social avec des revendications claires. Mais ils ont aussi manqué un maudit gros bateau.

Le bilan. La mobilisation à Sciences Po est sûrement anéantie. Et puis? Au meilleur des cas on aurait été cherché 50 ou 100 étudiants de plus. Légitime l'occupation? Ça dépend de quel point de vue on regarde. Si l'on défend l'autonomie des luttes, c'est clairement de l'ingérence. Je comprends les amis de la Portion de s'être dissociés et de reprocher aux occupants de s'être parachutés. D'un autre côté, les idées élaborées et enseignées à Sciences Po, les idées des élites, occupent toutes les universités publiques. Pas besoin d'y aller en personne, les idées font le travail. C'est donnant-donnant.

Et l'occupation aura remis la lutte des universitaires à la première page. Ça, la mobilisation interne n'y serait jamais parvenue.

Article pas mal du côté de rue 89.

Une analyse semblable à la mienne ici (avec des photos pas mal).
Le communiqué des occupants.

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mardi 10 mars 2009

L'année du Centenaire


Cette fin de semaine, il y a avait un petit colloque à la Maison des Étudiants Canadiens. Un des présentateurs y est allé d'une conférence intitulée: "La salsa comme stratégie d’adaptation des transnationaux latino‐américains à Paris »". Ok, peut-être que ça vous dit absolument rien. Maintenant remplacez le mot salsa par hockey et latino-américains par Québécois. C'est l'évidence même.

Hier, alors que je me trouvais dans un party Couchsurfing (kossé je faisais là?) j'ai reçu un sms sur mon fabuleux téléphone cellulaire. Il était 22h11 heure de Paris. Huit lettres. Cé-A-Er-Bé-O-O-U-Té.


Carbo out. J'ai immédiatement compris. Huit lettres tapées frénétiquement sur un minuscule clavier de téléphone. J'ai reçu un message semblable de trois personnes différentes. Mes nouveaux "amis" couchsurfing m'ont demandé ce qui se passait. Un peu dur à expliquer. Voyez-vous, avec la distance, le phénomène hockey a pris des proportions inimaginables à Paris. Non seulement le samedi soir est pratiquement dédié au match (qui commence à 1h du matin...) mais je connais des gens que je ne nommerai pas qui se font envoyer les matchs en format 60 minutes et qui les regardent les jours suivants. On n'est pas très loin d'Elvis Gratton et des cassettes de baseball. Et magie, ce sont des filles. La passion pour le hockey outre-atlantique est donc plutôt égalitaire.

Je sais, je sais, Montréal est hockey. Mais Paris aussi. J'ai participé cette année à un pool avec des résidants de la Maison canadienne. Ma performance est comparable à mon habileté pour patiner à reculons: très très pénible. C'est la beauté d'être gérant d'estrade. Quand je suis revenu à la Maison d'Argentine hier soir, j'ai croisé des amies argentines (évidemment) dans la cuisine. Je leur ai annoncé la grande nouvelle, Carbo est fini. Je leur ai demandé qui, à leur avis, serait le nouveau coach. Et Carolina, de dire fièrement, Patrick Le Roy. (Elle a pas encore compris que c'est E Roy et non Le Roy). Vous voyez les proportions que c'est en train de prendre?

Ceci n'était qu'un préambule pour vous confier mon errance, ma quête. En 1995, les Nordiques déménagent. Pendant au moins 7 ans, il y a eu un graffiti dans la Côte d'Abraham avec le signe des Nordiques et écris RIP. Mais en 1995, j'avais 10 ans. Le pire âge. Au sortir de l'enfance, on commence à se créer une identité. Que faire?

Dans le merveilleux Colisée, se sont succédés les Rafales (ayant vu jouer Francis Bouillon et Glen Metropolit...et Serge et Mario Roberge (J'ai reçu une photo signée de la part de leur mère qui habitait la rue en face de chez nous). Ensuite, les Citadelles de Québec (le club école du CH, la cicatrice des Nordiques était trop fraîche, ils sont retournés dans la glorieuse Hamilton) et finalement les Remparts du Junior Majeur. Je ne vous parle même pas du RadioX.

Vous comprenez la confusion que tout ça peut apporter chez un jeune. Que s'est-il passé avec les amateurs des Nordiques? Certains se sont mis en tête de suivre l'Avalanche. Question de tourner le fer dans la plaie, l'Avalanche a gagné la mythique Stanley en 1996, j'avais alors 11 ans. C'en était trop. Comment, à 11 ans, peut-on gérer des sentiments aussi contradictoires sans tomber dans la folie??? Pouvez vous croire qu'il y ait eu des émeutes en 1996, à Denver, pas à Québec, à DENVER après la victoire de Joe Sakic (avant qu'il ne se passe une main dans la souffleuse), Peter Forsberg, Adam Foot ET PATRICK ROY!!! PATRICK ROY!!!

Quelques anecdotes d'enfance...

Lorsque le CH a gagné sa 24ième coupe, le 9 juin 1993, 2 ans avant le départ des Nordiques, je regarde le match, qui finit très tard. Permission spéciale disons. Et là, je suis déçu. Déçu et triste. Parce que cette année là, ce devait être le tour aux Nordiques, qui avaient même gagné les 2 premiers matchs de la série contre Montréal.

Le lendemain à l'école, tout le monde a la baboune. Dans leur imagination d'enfants, les écoliers répètent machinalement: "Les canachiens ont gagné la coupe cinglée". Je l'invente pas maintenant. Et là, préfigurant mon rôle de gérant d'estrade absolu, je commence une conversation sûrement fort brillante où j'argumente avec un camarade que tout ce qu'il manque aux Nordiques c'est un gardien comme E Roy. (Je l'admets j'écoute encore des clips de Ron Hextall sur youtube, en 2009...) Ron Hextall, qui jusqu'à la fin refusa le style papillon.

Là, j'ai besoin de l'aide du public, mais qui, de Valery Kamensky ou Andrei Kovalenko, avait des lacets vert fluo? Première question. Deuxième question, mais pourquoi je me rappelle de ça?

Sérieusement, l'histoire des Nordiques me prédestinait à m'intéresser à la politique. Je vous le demande, très sérieusement, y a t'il eu un événement plus clair cristallisant le racisme anti-québécois que lorsque Lindros, repêché par les Nordiques, refusa de mettre le chandail de l'équipe sous prétexte, notamment, que Québec était une ville francophone?

Et le déménagement même des Nordiques vers les States, n'est-ce pas l'apogée de la marchandisation du sport. Pensez qu'il y a des équipes à Nashville et à Phoenix mais pas à Winnipeg, Québec ou Hartford! Ok, Hartford, malgré les gilets les plus laids de l'histoire du hockey, mérite la gloire puisque j'ai une amie amateure de hockey (des Whalers) et originaire du Connecticut.

La saga entourant le passage à l'Ouest des Statsny, le coup final au bloc de l'Est. Dire que Peter Statsny est maintenant député au Parlement européen!

Mais, maintenant, est-ce normal (voire sain) que je connaisse tous les joueurs du CH, que je me passionne à parler de trios ou de blessures au "haut" du corps de Georges Laraque? Je le dis maintenant, cet intérêt pour le Club Canadiens de Montréal n'est que transitoire. C'est mon veau d'or, mon péché d'idolâtrie avant que Guy Laliberté ne règle son pseudo-divorce et nous achète un club.

Je crois qu'on peut affirmer, sans exagérer, que le hockey est hégémonique au Québec. Quand le très sérieux Le Devoir, fait sa une sur le Canadiens, c'est que: soit, 40 milliards de pertes à la Caisse de Dépôt c'est pas si grave, ou bien, il y a un intérêt presque général pour les déboires de la flanalette, dixit Sportnographe. Cet article du Voir est d'ailleurs fort intéressant.

Connaissez-vous Nick Hornby? C'est un de mes auteurs préférés. Ce fût le premier (et le dernier) à mélanger une passion obsessive pour le soccer (et l'équipe Arsenal de Londres) et la littérature. Alors que ces deux mondes parallèles se snobaient, il a été capable d'écrire une autobiographie drôle et émouvante en racontant son attachement irrationnel à une équipe de soccer. Fever Pitch est selon moi un des meilleurs livres que j'ai eu la chance de lire.

Et Hornby rappelle, avec candeur, que, comme tout son entourage (et même des gens qu'il ne connaît pas) savent qu'il est un fan fini de Arsenal, lorsque quelque chose d'important arrive pour cette équipe, il reçoit des dizaines d'appels. Les gens l'associent au club. Il s'en réjouit.

J'attends donc impatiemment le jour où l'on arrêtera de m'écrire lorsque Carbo est échangé pour me dire que oui, c'est fait, l'évanescent Mats Sundin, Patrick E. Roy et Joe Sakic ont mis leurs économies en commun pour acheter le Lightning. Avec LeCavalier, bien entendu.

P.S. Je lis avec toujours autant d'intérêt vos commentaires, qui se font de plus en plus rares. Je sais que plusieurs lisent ce blog, ne vous gênez pas pour me faire part de vos impressions ou de votre haine lancinante envers Marcel Aubut.

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