jeudi 25 juin 2009

L'appel de la laveuse frontale


J'ai largement négligé ce blog au cours des dernières semaines. Pour une seule raison: je n'avais pas le goût d'écrire. En fait, quand je suis au Québec je ne publie pas sur un blog. C'est un outil pour donner des nouvelles de voyages. Et là, depuis quelques semaines, je ne veux pas être en voyage. Je veux rentrer.

Depuis les 7 dernières années j'ai été extrêmement chanceux. J'ai eu la chance de vivre en Italie, en Équateur, de travailler au Venezuela, de partir en sac-à-dos vers les Amériques, d'aller étudier en France. Mais, trop c'est comme pas assez. Je m'ennuie.

J'ai rencontré des Québécois sur une plage de Sardaigne. Ils me parlaient d'une place de sandwich à Québec. Un resto dont j'ignorais l'existence. Et là me dirent "Ha, peut-être que ça fait trop longtemps que t'es parti." Le choc.

En fait ça n'a pas pris un instant de lucidité comme ça pour me convaincre de rentrer au bercail. J'ai eu une année magnifique à Paris, fait des amitiés que j'espère durables et découvert une ville incroyable. Mais j'ai le sentiment que je dois me poser. C'était un sentiment qui, en fait, ne m'a jamais quitté. Je suis trop attaché au Québec. Mais là il a pris le dessus sur le goût des découvertes et de l'aventure.

J'ai tenté en vain de convaincre le directeur de mon programme de me laisser faire la 2e année à Montréal. En vain, jusqu'à avant-hier. Le rapport de force a changé. On me permet d'aller à Concordia. On m'y encourage. C'est une des meilleures nouvelles de ma vie. Jusqu'à présent.

Ce n'est pas que je n'étais pas bien à Paris. C'est que je suis frustré par combien m'a vie est faite de moments éphémères. La dernière fois que j'ai passé 2 années d'affilée dans la même ville c'était il y a presque 5 ans. J'ai besoin de m'investir dans des projets, des causes, des relations.

Par un drôle de miracle, (si je suis accepté) je ferai le diplôme de deuxième cycle en développement économique communautaire. En français. Comme c'est un programme qui se donne la fin de semaine, je vais essayer de me trouver un emploi ou un stage.

Soudainement, ma vie a changé du tout au tout. L'art de se revirer sur un 10 cennes. Moi qui croyais passer un été en Amérique finirai par me chercher un appartement et une job. Tant mieux. Ceci dit, je ne veux pas nécessairement me trouver une maison à Repentigny avec une piscine hors-terre. Mais je veux m'installer. Avec une laveuse frontale si possible.

Mort du blog.




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lundi 8 juin 2009

Voici pourquoi je vais en Sardaigne


Plutôt que de payer un loyer parisien, pourquoi ne pas vivre dans une tente sur la plage. Je pars en Sardaigne une semaine. Pour étudier...
Une image vaut mille mot.

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mercredi 3 juin 2009

Trois petits épisodes français


Au cours de la dernière semaine (comme à pas mal toutes les semaines) j'ai été confronté au fameux choc culturel. Petit récit d'une visite en trois temps chez les Français: fourrière municipale, école de coiffure et conférence.

À la Maison d'Argentine on a un espèce de pigeonnier où arrive notre courrier. J'y vais par habitude même si je reçois surtout des factures (snif, snif). Une belle enveloppe: Police de Paris. Ahhh! Qu'est-ce que j'ai fait? Petit examen de conscience en 4 secondes. Non, pas de drapeau des Tigres tamouls, pas d'imprécations ni de téléchargement illégal.

Bonjour M. Morin,

Nous avons le plaisir de vous annoncer que nous avons retrouvé votre titre de séjour.

En effet, en France on doit constamment avoir su soi une pièce d'identité. Remarquez ce n'est pas obligatoire chez nous au Canada. Et j'avais "égaré" la mienne depuis une date indéterminée. Je pensais bien la retrouver bientôt mais je ne m'en souciais pas trop. Je me suis donc présenté au bureau des objets trouvés de Paris: le pays des merveilles.

Imaginez, plus de 170 000 objets par année sont amenés à la fourrière. En 1936 seulement, on a ramené 17000 parapluies. Ça donne une idée. Moi, je n'y crois pas à ce genre d'endroit. Pas plus que les autres chanceux autour de moi. Il y a de tout. De vieilles photos d'archives montrent un type avec un tiroir immense rempli de montres. Ça date des années 30. Alors que j'attendais, une fille a reçu son appareil photo géant et une autre, complètement excitée, son portefeuille. Elle l'ouvre et se met à crier: "Il y a 120 euros! Je n'avais même pas 120 euros!". Le pays des merveilles vraiment. C'est sûrement la meilleure place de la bureaucratie française pour travailler. Tout le monde il est content. On ne va là qu'après avoir reçu la lettre donc il y a comme une vibe étrange. Un espèce de gaz hilarant dans la pièce. Tout le monde se salue. Un peu comme sur un bateau.

Et il y a les malheureux. Les chauffeurs de taxi. Ils débarquent en courant. Enragés. Un chauffeur chinois devant moi: "Quel con ce connard qui a oublié son téléphone dans mon taxi". Pour eux, c'est peut-être un client de moins dans leur journée alors qu'ils sont aux "Objets trouvés". Autre fait cocasse: il y a des panneaux sur la rue annonçant les Objets trouvés à des kilomètres à la ronde. Ça a été très facile se rendre. Peut-être pensent-ils que ceux qui perdent leur trousseau de clé ont aussi un mauvais sens de l'orientation. J'aimerais vraiment voir la collection d'objets les plus absurdes. Ça doit dépasser l'entendement. Pour une prochaine fois. Et comme je suis pas le seul "étourdi" voici un reportage sur la "Caverne d'Ali Baba" On y apprend entre autres que certains oublient des robes de mariages, des casquettes de l'Armée rouge, des crânes humains et pleins d'autres niaiseries.

Ensuite, dans la même journée, je suis allé me faire couper les cheveux Gare du Nord. En fait, on m'avait parlé d'une école de coiffure mais j'avais oublié de quoi avait l'air le coin de la Gare du Nord. En y allant en vélo j'ai soudainement compris. Sur le boulevard Sébastopol il y a quelque chose comme 100 coiffeuses africaines. Les salons sont minuscules mais pleins à craquer. Et là je me suis demandé si j'arriverais là, le seul blanc et le dernier client avec des cheveux non-crêpus à faire rager une étudiante (ou un étudiant).

Mais non, finalement c'était une école plutôt normale. On chargeait 8 euros. Bon prix pour Paris. "Mais non, vous êtes étudiant? C'est gratuit." Là, je sens l'arnaque. On me fait un shampoing et mes yeux se tournent vers un panneau: le contrat du coiffé. On y lit que l'on doit avoir amplement de temps, qu'on ne doit pas discuter et, surtout, qu'on doit être prêt à un changement radical.

Ça n'a pas été un changement radical mais ça a pris 2h. Et l'apprentie-coiffeuse était en panique absolue. Elle ne m'a jamais parlé de mes cheveux mais posaient des questions aux professeurs sur l'examen. Elle était vraiment stressée et a même connue une chute de pression. J'étais rassurée. En fait, elle ressemblait à une certaine Marisol, amie proche de mon copain Drouin. Tsé, Drouin, une espèce de matante précoce. Même pas 30 ans mais déjà tellement matante. Épeurant, une Marisol auburn et marocaine.

Et le comble du choc culturel français, la conférence de Howard Zinn.

J'aime la bière. J'adore le jus de tomate. Mais je suis absolument incapable de supporter un mélange des deux.

J'aime les Français. J'aime aussi les personnes âgées. Mais je suis absolument incapable de supporter un mélange des deux. Or, hier, c'était vraiment le cercle de l'âge d'or du Monde Diplomatique. Il y a même eu de la bataille au micro. Ça y allait de commentaires déplacés en traduction simultanée complètement fausse. La "traductrice" était une "spécialiste" de l'oeuvre de Zinn mais absolument pas une traductrice. Elle dit: "military force" quand Zinn dit "violence" et, encore pire, "Kosovo" quand lui a dit "Yugoslavia". Les questions posées n'étaient pas des questions mais plutôt des allocutions pour montrer l'éloquence et la culture de la personne au micro. Bref, un désastre de conférence.

Et Howard Zinn. Très bien. Il a parlé seulement une quinzaine de minutes, préférant prendre les questions de l'auditoire. Il s'est exprimé en français et a fait preuve d'une modestie et d'un sens de l'humour tout à fait mignon.

Sur ce je serai de retour dans moins de 3 semaines. Êtes-vous prêts?

Photo: un rouleau de cuivre égaré dans le métro.

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lundi 25 mai 2009

Les promoteurs me répondent...

Je vous parlais de revitalisation. Quelques articles de votre côté de l'Atlantique me font écho.

Et pour citer les promoteurs de GM Développement: « On va peut-être se faire lancer des tomates, mais ils sont tous dans le quartier : les danseuses, les femmes violées, les seringues (Point de repère), Rendez-vous centre-ville, Lauberivière, soupire Mme Marcon. On nous demande de faire de la mixité, mais ce n’est plus de la mixité, s’il y a trop d’organismes communautaires, ça devient des ghettos. C’est toujours le social contre les gros méchants promoteurs. »

La suite dans le fabuleux Journal de Québec où une série d'articles sur le quartier donne une bonne idée des "développeurs". Quelques belles citations:

"Le couple Campeau-Marcon (GM Développement) parle de Saint-Roch comme s’il s’agissait de leur bébé."
"Ça prendrait au minimum 1 000 unités de condos de plus pour augmenter le nombre de résidants ayant un pouvoir d’achat intéressant".

L'article a au moins le mérite de rappeler qu'au cours des 15 dernières années 415 millions de dollars ont été investis mais que le revenu moyen des ménages est de 26 959 $ soit la moitié de la moyenne de la ville de Québec...

Il est passé où cet argent?



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jeudi 14 mai 2009

Le Grand Pari: Bruxelles, Montréal, Québec


Vous en avez peut-être entendu parler, le Grand Pari. Mister Sarkozy a convié une dizaine d'architectes et d'urbanistes "de classe mondiale" pour imaginer un Paris différent, un Paris de l'an 2030. En fait, cela a touché une corde sensible chez moi, comme chez beaucoup de monde. Québec est ma ville. Je l'aime. Profondément. Montréal, mon lieu de résidence. Je commence à l'aimer. Bruxelles... Au moins y'a de la bière.

Si ce n'étais pas clair avant: je suis urbain. Un de mes bons amis, Beaudet, vient de déménager à Bécancour. Il s'est trouvé une job à St-Léonard d'Aston. 3 lignes sur wikipédia. Courage Beaudet. Je sais que c'est ça que tu souhaitais mais personnellement, je ne peux me résoudre à déménager dans une telle campagne. En fait, je pense que, dans mon for intérieur, j'aimerais venir d'un trou. Un St-Élie de Caxton, les Îles-de-la-Madeleine ou Harrington Harbour. Mais c'est un fantasme. Non, je ne déménagerai pas là. C'est comme venir de la Nouvelle-Orléans. On en rêve tous secrètement. Mais jamais on y déménagera. Trop chaud. Trop... Je sais pas. Pas assez aussi.

Un peu comme Naples aussi. On peut souhaiter en être originaire. En fait, on ne veut pas y vivre, on veut être Napolitain. Aussi bien dire que c'est impossible. Et c'est correct comme ça.

Mais, justement, c'est ce qui fait que l'on devrait se préoccuper à changer, à améliorer d'où on vient. Commençons par Paris.

Les plans des amis de Sarko sont sympathiques. On parle de verdure, de jardins sur les toits, de transports efficaces, de commerces de quartier. En fait, ça a bonne presse de donner des millions à des visionnaires et de critiquer les "locaux" qui souhaitent de la verdure, des jardins sur les toits, des transports efficaces, des commerces de quartier d'"immobilisme" mais pour tu-suite. Je vous le demande: y a t'il déjà eu un concept aussi sournois et vide de sens que celui d'immobilisme?

Au Québec il est de bon ton de critiquer ceux qui ne veulent pas d'une ville vivante en 2030 mais plutôt maintenant. Il y a une paranoïa à propos du Plateau-Mont-Royal. À en croire certaines lignes ouvertes ou journalistes patentés, le Plateau serait une espèce de grande loge de la franc-maçonnerie où se déciderait l'avenir du monde et le génocide des banlieusards.

J'ai ma petite idée là-dessus. En fait, j'ai travaillé pendant 2 étés pour des groupes communautaires de ce quartier. Y a t'il des riches sur le Plateau? Certainement. Sont-ils majoritaires. Non. Le quartier est un des plus pauvres du Québec. Statistiques à l'appui.

L'équivalent de Québec du Plateau serait peut-être un hybride entre St-Jean-Baptiste et St-Roch. Le site web QuébecUrbain est un trésor pour les amoureux de l'urbanisme et de l'architecture de Québec.
Et dès qu'il y ait question de St-Jean-Baptiste, une horde d'internautes, méprisant à qui mieux-mieux les habitants du quartier, ne jurent que par la hauteur. À les écouter il faudrait construire une Tour Montparnasse à l'îlot Berthelot. Exit le logement et la vie de quartier. En fait, le discours est particulièrement hypocrite. On dit d'un côté: il est irrationnel de construire du logement social (des coopératives) dans un endroit aussi central. De l'autre on dit qu'il faut éviter de faire des ghettos de pauvres. Donc, pas de ghettos de pauvres au centre-ville. Mais à Bardy là c'est pas grave. C'est l'inverse du pas dans ma cour. C'est pas dans mon centre-ville.

Connaissez-vous le Village de l'Anse? Un immense complexe d'habitation pour pauvres. 400 logements. La dernière fois que j'y suis allé c'était pour assister à une méga-bataille à genre 50 contre 50. La police a débarqué illico (ça fait pas loin de Victoria...) C'est une cité à l'image des cités françaises. Emmurée, complètement artificielle, éminemment multi-ethnique. On y vit pas pire qu'ailleurs mais les dangereux visionnaires qui l'ont créé n'y vivent certainement pas.

Car ce qui fait la vie de quartiers comme St-Jean-Baptiste où St-Roch ce ne sont pas les grandes firmes de haute-technologie attirées par les congés de taxes à répétition, ni les parcs construits à coup de millions de dollars et où la police débarque quand on se trempe les orteils dans la fontaine. C'est la diversité du tissu urbain. Ben oui, il y a des punks, des prostituées et des mendiants. Ben oui, c'est ça une ville.

Car dans toutes ces revitalisations, de St-Roch à Pointe-St-Charles, à quoi redonnent t'on la vie? En fait, la question est fausse. Ce qu'on a reproché à St-Roch ce n'était pas seulement la fermeture de dizaines de commerce mais le fait que le quartier était bien vivant. Ça dérangeait. Revitaliser a voulu dire chasser. À quoi bon créer des emplois si c'est pour en exclure les résidents? La madame qui parlait à ses souliers dans le mail St-Roch elle a tu trouvé une job à Ubisoft? Non. Elle a été forcé de déménager. Ailleurs. Dans St-Sauveur, Limoilou, Charlesbourg, Beauport.

À mon avis, la rue St-Joseph est plus terrifiante maintenant qu'il y a 10 ans. Ok, en 1999, il fallait craindre le Chinois qui marchait avec une canne et la tête vraiment croche. Ou bien, on regardait le monsieur qui a une malformation géante du nez et on se trouvait chanceux d'être nous-même aussi beaux et en santé. Maintenant, après 17h la rue est déserte. Avant il y avait de l'animation 24h.

C'est pas pour idéaliser le passé. Il y avait des problèmes dans St-Roch. Comme il y en a dans St-Jean-Baptiste ou à Pointe-St-Charles. Des problèmes de pauvreté, de logement, de chômage, d'exclusion, d'analphabétisme. Quand la nouvelle chocolaterie fancy de la rue St-Joseph fait une campagne pour faire fermer la soupe populaire évangélique de la rue du Pont c'est parce qu'on est passé à côté de la track pas à peu près.

Sur Québec Urbain on se plait aussi à casser du sucre sur le dos du comité populaire St-Jean-Baptiste. C'est quand même une organisation unique, qui a su survivre depuis plus de 30 ans. Et qu'est-ce qu'on reproche au compop? D'avoir créé la Fête du Faubourg? Une joujouthèque où l'on peut emprunter des jouets? De faire la promotion du logement social où se côtoient résidents pauvres et moins pauvres et commerces de proximité. Ou bien de souhaiter une "rue partagée" où piétons, cyclistes et automobilistes cohabitent. Ha bon! Une rue partagée. Exactement les plans futuristes de l'Anglais Richard Rogers invité par Sarko.

C'est bon avoir des projets osés, innovateurs. Est-il nécessaire de demander à des experts? Comme dirait Renaud:

"Tes H.L.M. sophistiqués. On n'en veut pas nous nos maisons. On s'les construira nous même. Sur les ruines de tes illusions."

Ou bien pour citer un autre chanteur populaire: "Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l'œil de ton frère et n'aperçois-tu pas la poutre qui est dans ton œil à toi !"

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dimanche 3 mai 2009

Pendant ce temps là au Sri Lanka


Au cas où vous ne le saviez pas, le 1er mai est, depuis plus d'un siècle la Journée internationale des travailleurs et travailleuses. C'est une grande célébration de ceux qui travaillent (en opposition à ceux que la Bourse engraisse sur le travail des autres). Même si la date du 1er mai fait référence à un événement aux États-Unis, honnêtement, quand je suis allé fêter le Premier mai à New-York l'an dernier c'était plutôt triste. En fait, la tradition s'est perdue aux États-Unis où pratiquement seuls les immigrants mexicains et équatoriens sortent dans la rue. À Montréal elle vivote selon l'humeur des syndicats. Ce n'est pourtant pas un hasard si lorsque le salaire minimum augmente cela se fait le 1er mai...

Mais en France par-exemple!

En fait, le 1er mai c'est vraiment un rituel. À tous les sens du terme. Premièrement, en me rendant à la grande manifestation avec des amies italiennes (avec qui j'avais été au Premier mai italien il y a 7 ans!) on passe acheter de quoi manger et boire. Et là on réalise que partout dans la rue il y a des gens qui vendent des fleurs. Du muguet. Pourquoi? En 1941, Pétain rend le 1er mai férié. Curieux. Mais il remplace la fleur d'églantine, associée à la gauche, par le muguet. Les pauvres et les syndicats du début du siècle ont le droit de se financer en vendant du muguet, le 1er mai seulement. Alors encore aujourd'hui tout le monde vend du muguet.

Ensuite on arrive au point de rassemblement place Denfert-Rochereau. Beaucoup de monde. Ce qui retient surtout l'attention c'est une musique ATROCE jouée beaucoup trop fort et à laquelle une dizaine d'iraniens communistes font de la danse en ligne.

Au cours de la journée il y eut quelques curiosités.

-Le cortège des nerds.
L'État français est présentement en train de voter une loi (appelée loi hadopi) qui serre la vis au partage de fichier, à l'informatique libre, etc. Donc, derrière une bannière, une centaine d'hommes blancs à lunettes et avec des pinchs, chemises mangas détachées sur un t-shirt avec une blague incompréhensible à ceux étrangers à la culture des hackers. Quand même rafraîchissant de voir que ce genre de public, normalement enfermé devant un écran d'ordinateur, considère pertinent de se mêler aux sans-papiers et aux ouvriers.

-La direction sanitaire de la région Seine-St-Denis affiliée à la CGT.
Il y a des centaines, voire des milliers de syndicats avec des camions qui vendent du rhum (!!!) et font jouer de la musique. Quelle musique? Ce camion jouait la chanson "La manifestation" des Cowboys Fringants. Bizarre. De fait, il y a eu un beau soleil toute la journée (fériée) de vendredi.

-Mais surtout, les Tigres tamouls. Je ne connais à peu près rien sur les Tamouls. Ce que j'en sais maintenant c'est que c'est un peuple hindouiste en Inde et au Sri-Lanka qui revendique son autonomie de l'État Sri-lankais officiellement bouddhistes. Il y a une guerre civile depuis plus de 35 ans. En fait, je sais que les Tigres tamouls sont une organisation dite terroriste selon l'Union européenne et le Canada.

À Paris, il y a une importante communauté tamoule dans le 18e arrondissement. En fait, ce qui étonne dans ce quartier c'est non seulement les commerces avec des affiches en faveur des Tigres tamouls mais aussi le quartier général des Hells Angels parisiens dont vous voyez la photo. Drôle de ville.

Au Premier mai il n'y avait pas de Hells mais des Tamouls ça il y en avait en masse. La semaine dernière plus de 200 tamouls ont été arrêtés et une centaine d'autres placés en "garde à vue" lors d'une manifestation qui s'est conclue par des affrontements avec la police. En fait, tout ça est vraiment étrange. En France il y a bien des affrontements entre des jeunes dits issus de l'immigration mais pas avec des Tamouls.

Et au Premier mai il y avait facilement 5000 tamouls marchant ensembles avec des milliers de drapeaux des Tigres et portant souvent des t-shirts de l'organisation révolutionnaire et des portraits des commandants militaires du groupe. Ça semblait vraiment très bien organisé.

Le plus troublant dans tout ça ce n'était pas le nombre (quoiqu'incroyable) mais les slogans. Des centaines de jeunes filles qui s'expriment dans un français parfait et qui scandent "Médias français, parlez de nous" a quelque chose de spécial. Plus de 1500 morts en quelques semaines et pas une nouvelle qui filtre. Car au delà de la légitimité des Tigres (qui ont peut-être plus à voir avec leurs voisins motards que ne l'admettraient les participants à la manifestation) c'est l'hypocrisie des puissances occidentales qui est soulignée. Dans ce cortège, des dizaines de pancartes avec une question: "Vous avez aidé le Kosovo, pourquoi pas nous?"

On a pas le temps d'y penser, il faut paranoier sur la grippe porcine.

Photo: Le drapeau des Tigres tamouls flottant au-dessus du lion de Denfert. (Toute la faune y était).
Le QG des Hells.

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mercredi 22 avril 2009

La nage papillon dans ma chambre


Il y a deux jours je vous parlais d'accessibilité aux études. Les événements font que je n'ai pas le choix d'en parler encore aujourd'hui. En fait, j'ai décidé cette année que je ne travaillerais pas cet été. Ça doit être l'air de la France (ici travail et études ne se conjuguent pas, en tout cas, pas à Sciences Po). Prendre un été "off". Me gâter. Mais, c'était un peu risqué. Je contracterais une espèce de dette sur l'avenir. Car, ma bourse de Sciences Po ne couvre évidemment pas les mois d'été. Et je dois faire un aller-retour vers le Québec, me nourrir, etc. C'était une "wild-card". Car, depuis le mythique été de mes 14 ans où je vendais des macarons du festival d'été (à l'époque à 8$) je n'ai pas trop chômé pendant la belle saison. Cet été là j'ai fait 800$ en 10 jours. J'étais millionnaire. Faut dire que j'avais travaillé pour à peu près 2$ de l'heure pendant 3 semaines avant aussi (On était payé à commission, 80 cenne du macaron. La belle époque). Mais j'aime mieux faire le calcul juste sur 10 jours. L'été de mes 15 ans je suis allé en France avec l'école. Je n'ai pas travaillé donc. Et puis, le Capitole, les Six-Associés et le Festival d'été, le Capitole (prise II) ET les Six-Associés (burnout anticipé), creuser des trous pour Agriculture Canada, le Regroupement des Comités Logements, Molson et l'été dernier Molson (prise II), un groupe communautaire de Montréal et un contrat de traduction pour McGill.


Au moins, y'a eu de la diversité.

Pendant ce temps je me suis ramassé un peu de sous pour me taper le voyage avec Rémi et Danielle que vous avez suivi l'an dernier. Et bien, j'ai le plaisir de m'annoncer que cet été j'emmène Antoine à la poursuite des cowboys de l'Ouest canadien et américain. Ensuite, j'ai la ferme conviction de me prélasser sur les terrasses, devenir le king de la pétanque de la Petite-Patrie et aller m'empiffrer de homard en Acadie. Car, contre toutes attentes, j'ai reçu une bourse de maîtrise du Fonds de Recherche sur la Culture et la Société. Un bon montant disons. Même en euros, ça fait encore un bon montant. Je dis contre toutes attentes parce que l'an dernier j'avais appliqué et j'avais des attentes. Le 22 avril (même date) j'ai lu fébrilement le email de l'organisation gouvernementale. J'ai été débiné pendant un bout. J'avais confiance en mon dossier. Je suis arrivé 9e sur 12. Ils prenaient les 3 premiers. Même pas proche. Un peu comme Canadien contre Boston.

Cette année je reçois le email du comité. Là, je l'ouvre en me disant: "Maudit, j'avais pourtant une belle journée. Il fait soleil, j'ai gagné mon match de pétanque quotidien". Et là, mes yeux ne voyaient même pas clairs. Je cherchais la phrase désastreuse, la pogne. Parce que la semaine passé je me suis fais avoir comme jamais.

J'ai appliqué pour la bourse Max Lazard visant à aider un étudiant de Sciences Po à réaliser un voyage à l'étranger. Mon projet consistait (consistera?) à aller en Algérie pour étudier comment un syndicat algérien tente de s'inspirer du Fonds de solidarité de la FTQ. Comme la proposition des héritiers de Max Lazard mentionnait que le type en question avait consacré sa vie à la lutte contre le chômage je me disais que mes chances étaient bonnes. On me téléphone. La madame du service des bourses me fait comprendre que "Votre proposition a beaucoup impressionné le comité" et ensuite me rappelle pour être certaine du titre de mon projet. J'avais l'impression qu'elle avait besoin de plus de détail pour écrire le communiqué annonçant ma grande victoire. Je suis invité à une entrevue et ensuite à un coquetèle.

Ce genre d'événement me rend nerveux. En fait, je ne sais pas comment m'habiller. J'ai pas vraiment de linge "chic" et j'ai l'impression d'être endimanché si j'essaie de bien m'habiller (se référer à mon déguisement de Mormon lors de ma graduation de McGill...)

Là je me suis bien habillé. Chemise noire, veston (!!!) noir, souliers carrés. Je vais au cocktail et là le responsable de la Fondation annonce aux différents demandeurs de bourse que les projets sont tous intéressants. Que l'on est des gens motivés. Et blablabla. Il tourne autour du pot. Finalement, il conclut: "Cette année nous avons décidé de ne pas attribuer la bourse Max Lazard." QUOI??? Vous nous avez fait venir ici mais surtout fait repasser ma chemise pour rien. Je suis reparti complètement dégoûté du monde des intellectuels. Ces intellectuels qui reçoivent 23 propositions et qui n'en choisissent aucune. Et là je me suis rappelé cette fameuse chanson de René Binamé, tiré d'un poème de Charles d'Avray:

"C’est reculer que d’être stationnaire
On le devient de trop philosopher".

Je suis donc officiellement payé pour étudier. Et pour faire de la recherche. Faire de la philosophie si on veut. Mais c'est promis, je ne vais pas trop philosopher.

En apprenant la nouvelle de la bourse j'étais tellement excité que mes bras se sont mis à faire pleins de gestes et je sautais sur place. J'en ai déduit que je nageais dans ma chambre.

Sinon, pour vous prouver que la pétanque c'est du sérieux, voici un tableau que notre coach nous a fait étudier aujourd'hui. Vous en comprendrez que la distance c'est x, k est une constante, Vo la vitesse initiale et alpha l'angle par rapport au sol.

Ça y est, cet été je deviens la terreur des boules. Je joins la fédération québécoise de pétanque. Ce qui me motive? "Bénéficier d'une assurance accident". Évidemment.

Didier Choupay, une légende de la pétanque, a mystifié la formule balistique. Sa technique est inimitable. Un jour elle sera mienne. Ô oui, un jour, elle sera mienne.

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lundi 20 avril 2009

Liberté, Égalité et Séparés



Voilà quelques semaines que je n'ai rien écris sur ce blog. Voyez-vous, j'étais encore sur ma baloune technologique. Non, sérieusement, je savais que j'allais à Londres bientôt et je voulais attendre quelques jours pour écrire un message sur mon expérience là-bas.

La semaine dernière j'avais une espèce de "semaine de lecture". En gros, une semaine de relâche mais question qu'on culpabilise on l'appelle "semaine de lecture". J'ai quand même lu beaucoup mais pas exactement sur ce que je "devrais". Et Londres? Pas mal mais rien à se jeter à terre. J'y étais juste 4 jours, c'est sûr. Mais la ville m'a semblé incroyablement désertée par les jeunes, les marginaux. En fait, par un peu n'importe qui qui ne porte pas a)un costume-cravate, b)un coupe-vent jaune fluo, c)un habit traditionnel d'un pays asiatique ou du Moyen-Orient.

L'Angleterre est un bien drôle de pays. Et quoi qu'en disent mes autres amies bloggueuses, je ne suis pas près à dire que les Québécois nous sommes Anglo-saxons.

Il y a maintenant 5 ans j'ai choisi d'aller étudier à McGill. En fait, j'y suis allé pour différentes raisons. Premièrement, je souhaitais étudier. Me concentrer d'une certaine manière sur mes études. Avoir accès à une bibliothèque irréprochable. Être entouré d'étudiants motivés et d'une gang de bons profs. Étudiants motivés? Bons profs? Pas tout le temps. Ils sont pas toujours motivés mais en tout cas ils sont vaniteux. Prenez un groupe facebook "au hasard". Il se nomme "Why Yes, I Do Go To The Best School in The Country". Il compte 3422 membres. Ça donne une idée.

Mais une des raisons pourquoi j'ai choisi McGill c'était pour me confronter à quelque chose de nouveau et de terrifiant: le Canada Anglais.

J'ai été servi. Sans m'attarder sur la mode exécrable des Ontariennes en coton ouatés ni sur le délicieux et ô combien irrévérencieux concept du Freshman 15, mes 2 années à McGill ont été riches en chocs culturels.

Penchons-nous sur un de ceux les plus significatifs à mon avis. Après la grève étudiante pour les prêts et bourses, une (petite) vague de Francophones s'est joint à la "scène" militante McGillienne. Car il y a beau y avoir quelque chose comme 6000 francophones à l'université, il y en a maximum 15 d'impliqués dans QUOI QUE CE SOIT. Le fait que l'association étudiante ait fermée le seul groupe dédié aux Francophones n'aide sûrement pas. Donc, comme vous le savez, depuis le Cégep je me suis impliqué dans les associations étudiantes et autres groupes pour défendre l'accessibilité aux études. C'est une question de principes mais aussi de nécessité. L'accessibilité selon moi c'est d'abord les frais de scolarité les plus bas possibles, un programme de bourses généreux et accessible à la majorité des étudiants, des loyers décents et pas trop chers, un système de transport efficace. Mais c'est aussi des garderies pour les enfants des étudiants et étudiantes, des bâtiments accessibles aux handicapés, un campus sans tireur fou ou prédateurs sexuels, des horaires convenables, des outils informatiques fonctionnels et faciles.

Or, dans les groupes militants de McGill l'accessibilité c'est ça mais aussi d'autres choses qui me laissent perplexes. Car, lors de ma première année un dossier occupait le "mouvement étudiant" de McGill. Un dossier que ces militants associaient à l'accessibilité: l'octroi, par l'Université, d'une salle de prière pour les Musulmans.

Un des piliers de l'Islam est la prière, qui doit être fait 5 fois par jour.
De fait, les Juifs se sont payés leurs locaux près du campus. Les Catholiques aussi. Des Évangeliques aussi. Mais pas les Musulmans. Sur toute cette question, l'administration de l'Université s'est démarquée par son improvisation et ses contradictions. On accorde un local de prière. On le retire. On envoie les Musulmans prier dans une cage d'escalier, etc. On déclare l'Université laïque, on met les drapeaux en berne quand meure le Pape...

Vous voyez le genre. Mais, pour moi, et l'autre francophone qui était là lors de la réunion, cela ne veut pas dire que le mouvement étudiant doit appuyer la revendication des Musulmans. Certes, le climat ambiant est complètement islamophobe. Il suffit de prendre ce taré de Martineau. Mais ce n'est, à mon avis, pas une raison d'abandonner une revendication séculaire du mouvement étudiant, des institutions publiques laïques.


Et là, incompréhension totale avec les Anglos. Rien à faire. C'est dur de trouver un compromis: on appuie oui ou non. Résultat: on a compris qu'on est pas Anglo-saxons. Vous voyez le genre de fossé. Je parlerai pas de deux solitudes parce que j'ai hâte de rejoindre ma solitude albertaine restée à Montréal. Avec qui je suis profondément en désaccord sur cette question. C'est la vie.

Tout ça pour dire que Londres c'est pas Paris. Premièrement, Paris est vraiment, vraiment plus belle. Deuxièmement, la France est un pays probablement plus hypocrite que l'Angleterre. L'idéal français c'est la Patrie universelle, la Patrie des droits humains où il n'y a aucune différence de couleur, de religion. Nous sommes tous des citoyens. Liberté, Égalité, Fraternité et blablabla. À la première occasion on ferme la porte à la Turquie de l'Union européenne (ils sont vraiment trop différents de "Nous" ces Turcs). Et je parle même pas du racisme ordinaire. Un autre pays.

Même si j'étais pas trop dépaysé en me promenant dans le Mile-End londonien ou dans son Parc Victoria, Londres est un autre monde. Ses quartiers ethniques sont charmants mais un peu troublants. Je crains que ce ne soit une sorte de "Separate but equal". En voyant des femmes musulmanes voilées intégralement avec un niqab je me suis senti drôlement loin de la France. Et encore plus de Québec.

Photos:
-Vous êtes pas capables de lire le panneau de la première photo. Moi non plus. C'est dans une langue indienne.
-Un magasin de Whitechapel.
-Votre serviteur sur la tombe de Marx.

P.S. J'aurais pu écrire un message super enthousiaste sur les pubs anglais et la "real ale". Je ne le ferai pas.
P.P.S. Gabrielle faut pas que tu penses que j'ai pas aimé mon séjour. C'était génial quand même.

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mardi 24 mars 2009

Dans vos dents, les primitivistes


Ce petit clip a circulé sur internet et il m'a fait bien rire.

Je suis présentement un cours de sociologie sur la politique des sciences et de la technologie. En fait, j'en suis à me demander si je ne suis pas en train de rater complètement ma "carrière".

Selon moi, le meilleur de l'évolution et de la civilisation humaine se trouve à la Bibliothèque Gabrielle-Roy. C'est comme la pointe de l'iceberg de millions d'années d'évolution. Si ce n'étais pas de la bibliothèque Gabrielle-Roy je serais une personne complètement différente, et je doute fort que je serais à l'université aujourd'hui.

Ce mois-ci est sorti le DVD sur Dédé Fortin, "Dédé à travers les brumes". J'ai vraiment hâte de le voir. En fait, le premier disque (entendre cd) que j'ai écouté ça a été à la Bibliothèque Gabrielle-Roy. Il était possible, dans le coin des Enfants (!) de demander un disque et de l'écouter assis dans une immense banquette. Ce qui était le plus merveilleux de la chose c'était les écouteurs. Ils avaient des espèces de "mousse" immense de deux couleurs, jaunes et bleus. Le comble du chic était de demander une paire avec deux couleurs différentes. Là, on rockait le coin des enfants. J'ai donc demander le disque des éponyme des Colocs, nous sommes en 1993. Je m'en rappelle parfaitement. Je connaissais les chansons pour les avoir déjà entendues à la radio. Mais là c'était différent. J'étais le seul à les entendre. C'est comme si elles étaient chantées que pour moi, à travers la mousse jaune et bleue. Je me suis senti privilégié.

Puis, en 1994, on crée le club Crok-Livres. Je me suis défoncé dans la lecture d'une manière inégalée encore depuis. J'ai dû lire une centaine de livres en 100 jours. J'étais tellement fier de voir les étoiles s'accumuler devant mon nom et de porter fièrement le t-shirt (absolument horrible) du club. J'étais un nerd en devenir. Mais, c'est aussi là que j'ai dû admettre des réalités que je n'ai pas pu oublier depuis. 1. Les immigrants sont là pour rester. 2. Les jeunes immigrants savent lire et ils ont la ferme intention de lire plus de livres que moi et de gagner le concours Crock-Livres. Je crois que depuis ce moment je n'ai pas pu voir les immigrants comme des profiteurs ou des lâches. Et Québec, qui a la réputation d'être si blanche et homogène c'est pas la Québec de la Bibliothèque où les immigrants se tiennent. C'est pas dans un centre d'achat, c'est à la bibliothèque que la ville montre son ouverture et sa culture. Qu'on se le tienne pour dit.

La Bibliothèque avait encore, jusqu'à preuve du contraire, un abonnement quotidien à La Stampa, un journal italien qu'à peu près personne ne lisait à Québec mais aussi au journal cubain Granma, édition française svp. On peut penser ce qu'on veut du régime cubain mais parmi les centaines de journaux disponibles à Québec c'est sûrement un des seuls se réclamant d'un système différent que celui que nous connaissons. Et il était à Gabrielle-Roy.

Et si, aujourd'hui en 2009, quelqu'un proposait qu'au lieu d'emprunter des livres on puisse emprunter des oeuvres d'art pour les mettre dans son salon une couple de semaines et ensuite en mettre d'autres, on le traiterait de fou c'est assuré. Je n'ai évidemment jamais loué de peintures à la Bibliothèque mais j'ai toujours trouvé le principe génial.

Mais, pourquoi je délire sur la Bibliothèque Gabrielle-Roy? Parce que mon cours sur la science et la technologie m'a rappelé que j'aime la science. Vraiment. J'apprends dans ce cours des anecdotes et des découvertes qui font ressurgir cette passion d'enfant. Car, le soir, à Gabrielle-Roy, je participais au Club des Débrouillards. Cette initiation à la science pour les jeunes. Mon abonnement annuel à la revue s'est muté en abonnement à Québec Sciences à mesure que je vieillissais. Je n'aurais jamais dû le résilier. Autour de 1995, les Débrouillards ont tenu un genre de grand congrès à l'école primaire Fernand-Séguin à Ste-Foy. Une école publique mais "spécialisée". C'est là que j'ai été sur internet pour la première fois, à l'époque où le site de la NASA était LA référence. Ça faisait des années que le magazine des Débrouillards parlait d'"autoroute de l'information" mais je comprenais franchement rien à ce concept. Tout d'un coup, internet est apparu. C'est ce qui m'amène à la raison pourquoi j'écris ce post. Je suis émerveillé.

Dans ma conférence sur les sciences et technologie, le jeune enseignant(qui assiste
le prof Dominique Pestre) parlait d'à quel point le photocopieur a révolutionner le monde du savoir. Et là il a mentionné un appareil, que j'avais complètement oublié, où l'on tournait un rouleau et là ça ré-imprimait ce qui avait été écris à la main sur une feuille spéciale. En cherchant un peu sur internet j'ai compris que ça s'appelait une Ditto Machine. En fait, le seul souvenir que j'en ai c'est la couleur mauve et une drôle d'odeur. Je donne cet exemple juste pour vous illustrer le chemin parcouru.

Je fais présentement une recherche sur les fonds de travailleurs, genre le Fonds de solidarité FTQ. Dire que j'ai accès aux articles de journaux écris depuis 1980 directement sur internet (depuis la France!) paraît une évidence. Menute! Il y a 10 ans j'aurais dû me taper des micro-films qui rendent fou et étourdi. Là je tape des mots-clés et je fais copier-coller. INCROYABLE. Mais, encore mieux. Je suis en France. Mon sujet concerne le Québec. Il suffit de lire de vieux auteurs pour se rendre compte que la correspondance entre les auteurs est souvent aussi importante et riche que les textes officiels de ces mêmes auteurs. Là, je cherchais un texte de Louis Gill, un ancien prof de l'UQAM. Sciences-Po, contrairement à la prétention de la bibliothécaire de l'École doctorale, n'a pas tous les livres du monde (quoique c'est quand même la plus grande bibliothèque en sciences sociales de l'Europe continentale).

Je cherche donc sur un site révolutionnaire (je pèse mes mots), Les Classiques des Sciences Sociales. Plusieurs profs français, qui veulent que les étudiants lisent un texte, leur disent: "Aller sur le site des Classiques, c'est un site d'un canadien, Jean-Marie Tremblay". Ils le disent comme s'il connaissait Mister Tremblay. Qu'est-ce que c'est ce site? Si vous étudiez en sciences sociales, vous le connaissez, pour les autres donc. Un prof de socio obscur de Chicoutimi s'est mis en tête de scanner et de recopier des milliers de livres de sciences sociales. Comme ça. Bénévolement. Le type dit consacrer "tout ses temps libres" à la tâche. Je le crois. Ses motivations? Notamment, "je me sens aussi comme les moines du début du Moyen Age (XIe et XIIe siècles) qui retranscrivaient pour la postérité les textes latins." Le site indique qu'il y a 3775 oeuvres originales de 1145 auteurs.

Pour en revenir à ma recherche. Il y a disons 50 ans, rien de tout ça n'existait évidemment. Pour pouvoir lire le texte du professeur Gill j'aurais dû lui envoyer une lettre (ou un télégramme), attendre sa réponse et puis... Je sais pas. Il aurait envoyer par la poste le texte (qui aurais pris un bout à arriver) et je l'aurais payé d'une certaine manière. On aurait sûrement correspondu un certain temps et l'opération aurais pu prendre des mois. D'autant plus que je n'aurais sûrement pas pu connaître l'existence de ce texte que grâce à des "contacts". Car il y a sûrement pas de petits tiroirs avec des fiches sur un article scientifique québécois.

Que s'est-il passé cette semaine? Quand j'ai vu que le texte de M. Gill n'étais pas sur le site du prof Tremblay, j'ai ouvert mon compte email et je lui ai écrit. Il m'a répondu SEPT MINUTES PLUS TARD. Pour me dire, que, de fait, il croyait avoir mis le texte en ligne mais que finalement non. J'écris au prof Gill. Il me répond LE LENDEMAIN. Le surlendemain, son texte était sur le site des Classiques. Je capote! C'est tu pas beau la vie.

Derrière cette technologie il y a aussi des humains dévoués. Peut-être que Jean-Marie Tremblay s'inscrira dans l'histoire des sciences francophones comme un de ceux-là.

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mardi 17 mars 2009

Bienvenue dans le vrai monde.

Il y a semble t'il un mouvement social effervescent en France. Il paraît même qu'il y aura une grève générale jeudi. En fait, ce message sera plus long que d'habitude. Je tiens à être précis, je ne voudrais pas que l'on comprenne des choses que je n'ai pas tapé. Mais, aujourd'hui, des étudiants venus d'universités parisiennes sont venus occupés mon école, Sciences Po. Intéressant. Si vous trouvez le message trop long, ne le lisez pas. Je vous aurai prévenu.

Au Québec, l'occupation est une des tactiques du mouvement étudiant et de d'autres mouvements sociaux. Elle n'est pas toujours efficace mais assez pour faire parler des revendications. La grève générale illimitée dérange souvent bien plus le gouvernement mais l'occupation ne laisse pas sa place non plus. Or, chez nous on occupe d'abord son cégep ou son université puis on va ailleurs, où ça fait mal. Ministères, Conseil du Patronat, et pour les fous, le Pont Jacques-Cartier.

Quand certains occupent le Conseil du Patronat c'est dans une logique différente que lorsqu'on occupe le cégep du Vieux. Le Conseil du Patronat, on l'occupe parce que c'est l'ennemi, le cégep parce que c'est à nous. Ce sont deux logiques différentes. Aujourd'hui, quand environ une centaine d'étudiants parisiens sont venus occuper Sciences Po, une école où ils n'étudient pas, ça relève de la première logique. Je vous ai déjà parlé de Sciences Po, quelle genre d'école c'est, sa réputation.

Voici donc un récit détaillé des événements d'aujourd'hui.

18h45: Je suis assis dans "La Péniche", le hall d'entrée en train de lire un nouveau livre, On the Road de Jack London. Traduction italien, faut bien que je me fasse un peu de vocabulaire. Et là, environ une centaine de jeunes, esquivant le contrôle de cartes d'identité imposé depuis plus d'une semaine à l'entrée, entrent de je ne sais où et déroule une bannière. Slogan: "Dissolution des IEP, l'élite française est "internée" (Je suis pas sûr du dernier mot). Vous voyez le genre. Ou encore, un autre à la rime difficile: "Quand le savoir est au service du pouvoir, les futurs chômeurs viennent voir les futurs cadres". Et vous savez le plus terrible, c'est que c'est exactement le cas. Impossible de douter que les étudiants de Sciences Po, et de ne pas m'inclure serait hypocrite, sont les futurs cadres et que les étudiants en sciences humaines d'universités publiques françaises seront en grande partie chômeurs.

L'occupation semble prendre tout le monde par surprise. Je croise des copains de SUD-étudiant, un syndicat auquel je sympathise, ils ont pas trop l'air de savoir quoi faire. D'autres amis, d'un groupuscule trotskiste dont la cordialité est inversement proportionnelle au nombre de leurs membres, commencent à distribuer des tracts mais n'avaient pas trop l'air prévenus non plus.

18h46: Première hostilité. Un étudiant de Sciences Po, tout à fait bourgeois, se met à insulter les occupants et crient l'injure suprême: "Gauchistes". Je souris. Là, quelqu'un me donne une pile de tracts. Je ne sais pas trop quoi faire avec. Je ne les ai même pas lus. Les gens me les prennent des mains. Je passe aussitôt pour quelqu'un de renseigné. Un espèce de directeur m'en demande un poliment. J'ai peur de m'être mis les pieds dans les plats.

18h50: Le groupe d'occupants entre dans l'amphithéâtre Boutmy, le principal de Sciences Po. Il y a un cours qui commence, et, manque de chance, c'est celui d'Olivier Duhamel.
C'est là que commence le plaisir. Le célèbre prof propose aux occupants d'assister à son cours sur la Cinquième République française (et mentionne qu'il doit recevoir quelqu'un comme l'ambassadeur américain ou quelque chose comme ça) et qu'il offrira 20 minutes de son cours en débat. Les occupants refusent. Il demande aux étudiants de Sciences Po, sagement assis à leurs places de voter. Immense majorité pour. Duhamel quitte. Avant de quitter, il tient à préciser au micro: Sciences Po n'est pas une Grande École mais plutôt "une université d'excellence". Il dit que Sciences Po est le seul Grand Établissement à avoir une convention ZEP, qui aide les étudiants de banlieues problématiques à entrer dans l'Institution. Tonnerre d'applaudissement des étudiants Sciences Po, dont une infime minorité participe réellement de ces conventions ZEP. Je suis un de ceux-là, dans un certain sens.

Sur la scène de l'auditorium, une fille fume une cigarette immense en y prenant un plaisir exagéré. Par dilettantisme, comme dirait Andrea, une argentine qui m'enseigne le français...
En arrière, où je suis assis, un gars se met à râler des obscénités. Il pue l'alcool (vade retro) et tient une canette de 1664 à la main. Et là, le vrai choc des cultures.

À McGill, j'ai suivi un cours original sur une comparaison entre les castes en Inde et les races au Brésil. Et, je savais que les castes étaient une organisation hiérarchique et héréditaire de la société mais il me manquait un élément pour en saisir l'essence. En fait, je ne comprenais pas comment des Brahmanes pauvres, d'une caste supérieure, pouvait dominer des Intouchables qui avaient fait fortune. Ce qui me manquait comme concept c'était celui du dégoût. Car le Brahmane est dégoûté par ses inférieurs. La répulsion va même jusqu'à être dégoûté de l'ombre de l'autre. Malheur au membre d'une caste supérieure qui se verra faire de l'ombre par un inférieur. De fait, les inférieurs devront donc se promener lorsque l'ombre est petite, en plein midi. Je simplifie à l'extrême mais c'est pour bien expliquer cette question de dégoût.

Car aujourd'hui, à Sciences Po, ce n'était que ça. Le mec qui criait des obscénités ne disait pas "Espèces de cons qui obéissez à votre prof" non, il parlait à un garçon de "bonne famille" et lui disais qu'il avait une chemise de pédé. D'aller se mettre de l'eau de Cologne. Jusqu'à le traiter de Nazis, ce qui était inévitable. Les occupants de l'avant de l'amphithéâtre scandent "Grève générale", celui avec la canette de bière répète "Guerre générale". Mais le dégoût des étudiants de Sciences Po est bien plus grand. Car il peut se fonder sur une valeur dominante: la méritocratie.

Car, officiellement, Sciences Po n'est pas une université américaine qui admet des étudiants en fonction de leurs parents. On appelle ça "legacy admission". À Sciences Po, chaque étudiant, en principe, doit réussir soit un concours (l'Institution en prend quelque chose comme 5%) ou une admission par dossier pour la maîtrise par-exemple. Les étudiants de Sciences Po sont donc dégoûtés par les intrus car 1) ils sont habillés différemment, parlent différemment et sentent différent (donc d'une autre classe) mais aussi 2) car s'ils ne sont pas à Sciences Po, ce sont forcément soit des idiots ou des lâches.

Mais, ne vous méprenez pas sur le titre de ce post. Les "gauchistes" venus de la Sorbonne et d'ailleurs ne sont pas "le vrai monde". Le titre fait référence à un grand graffiti sur l'arche d'entrée de l'Université Nationale à Bogota, sûrement la seule université pour laquelle, lorsqu'on tape son nom dans Google images, on trouve immédiatement des images de types cagoulés lançant des pierres à des policiers.

Tout ça pour dire que le choc entre les étudiants de Sciences Po et les "autres" a été brutal. Deux mondes qui se rencontrent. Et qui se méprisent.

Maintenant, passons à la partie "analyse politique" des camarades de Sciences Po. Certains vont se reconnaître. Sachez que je crois que vous avez tous raison et tous tort. Moi évidemment je n'ai que raison puisque pendant l'occupation j'étais en train d'écrire dans mon cahier, sans prendre part à quoi que ce soit. L'intellectuel de service, haut perché dans sa tour d'ivoire. Espérons que ça ne m'arrive pas trop souvent.

Les camarades de SUD se sont joint aux occupants, malgré la surprise. C'est la politique du fait accompli comme dirait Falardeau. La situation pour eux n'est pas de savoir si c'est une bonne chose ou non que des "étrangers" soient venus occuper. Il s'agir de faire avec. De travailler avec eux (c'était plus eux que elles). Les gens de l'UNEF, généralement si fiers de se dire majoritaires, se tiennent assez tranquilles.

Tout prêts de moi sont les trotskistes d'un groupe qui je baptiserai la "Portion", petit clin d'oeil. Un de ceux-là est un bon exemple de jusqu'où peut aller le prosélytisme. Le gars se lève à 5h du matin pour aller passer des tracts à la porte d'une usine à 1h de Paris. Il a jamais travaillé en usine mais il me rassure en me disant que les gens de l'extérieur peuvent jouer un rôle positif car ils ne sont pas sujets à la répression du patron. Honnêtement, ça me laisse songeur. J'imagine trop pas le gars se pointer à la Gate de Molson pour passer des tracts d'un groupuscule trotskiste issu de la scission d'une scission d'une scission. Ça veut pas dire que ce qui est écrit dans le tract est pas intéressant mais, sérieux, à Molson ça prendrait 5 minutes et les boss syndicaleux l'expulserait. Je précise. Pas les patrons, les boss syndicaleux. La vie est ainsi faite. Mais, moi à 5h du matin, je suis chez moi, à ne faire strictement rien pour changer cette société. Qui suis-je donc pour le critiquer?

Donc, les camarades de la Portion, sont manifestement contre l'occupation. Ils se délectent de l'amateurisme des occupants, s'en moquent à qui mieux-mieux. Beaucoup mieux que les étudiants de droite qui pourtant ne chôment pas dans les commentaires incendiaires. Car, effectivement, l'occupation de Sciences Po était une aventure. Menée par des aventuriers. Car Lénine n'a t'il pas lui-même critiqué l'aventurisme politique. Ce qu'il faut c'est donc créé un mouvement social, un Parti, une Armée (vous les mettez dans l'ordre qu'il vous plaît). Et cette occupation vient complètement de miner tous les efforts de mobilisation que pleins de gens (tant de la Portion que de SUD) ont mis au local, à Sciences Po.

Je vous épargne le récit de dialogues, quoique certains sont particulièrement édifiants. Je note quand même qu'à 18h25 on lit la liste de revendications de la coordination nationale des universités en lutte où il a été voté, et je cite, "pour la non-reconnaissance des diplômes du Vatican". À 18h45, un gars qui préside l'espèce d'Assemblée propose la parité garçon et fille dans les tours de parole. À ce moment, si mes notes sont bonnes, aucune fille n'a pris la parole. Cela fait une heure que l'occupation est commencée. Comme toutes les propositions, elle reste lettre-morte.

À cet effet, lorsqu'un ami de SUD vient voir ceux de la "Portion" il leur dit qu'il faut faire une Assemblée et voter des revendications, des propositions. Et là, le copain qui distribue des tracts aux portes d'usine s'exclame: "Sous le gauchisme, le légalisme le plus plat". Car, apparemment, avoir des tours de parole, voter des propositions et des amendements est du légalisme.

Je sors finalement à 19h17. On a déjà annoncé qu'il y avait 40 minibus de CRS, des types pas tout à fait sympatiques. À 19h15, une fille arrive et dit "C'est blindé de fachos dehors". C'est décidé, je sors.

Car, la politique française est parfois le fait d'affrontements violents avec des nazillons, je me vois pas trop me faire tabasser par une bande d'attardés d'extrême-droite pour m'être trouvé au mauvais endroit.

En fait, des néo-nazis il n'y en avait pas. Il y avait mieux. Des royalistes. Des partisans du retour de la monarchie. Là, c'est le comble. J'exulte et je me dépêche de rentrer à la maison pour le Ultimate Frisbee de 20h30. À l'extérieur, une foule massive (et des centaines de flics). Je croise les trotskistes de la Portion. Ils scandent des slogans folkloriques. À l'extérieur. On est définitivement plus confortable dans une manif d'appui qu'en dedans où les CRS menacent de faire le ménage. Leur dédain des "aventuriers" me rappelera mai 68, où le Parti Communiste se dissocia complètement du mouvement des étudiants. Ils ont eu raison, mai 68 n'a pas été une révolution guidée par un mouvement social avec des revendications claires. Mais ils ont aussi manqué un maudit gros bateau.

Le bilan. La mobilisation à Sciences Po est sûrement anéantie. Et puis? Au meilleur des cas on aurait été cherché 50 ou 100 étudiants de plus. Légitime l'occupation? Ça dépend de quel point de vue on regarde. Si l'on défend l'autonomie des luttes, c'est clairement de l'ingérence. Je comprends les amis de la Portion de s'être dissociés et de reprocher aux occupants de s'être parachutés. D'un autre côté, les idées élaborées et enseignées à Sciences Po, les idées des élites, occupent toutes les universités publiques. Pas besoin d'y aller en personne, les idées font le travail. C'est donnant-donnant.

Et l'occupation aura remis la lutte des universitaires à la première page. Ça, la mobilisation interne n'y serait jamais parvenue.

Article pas mal du côté de rue 89.

Une analyse semblable à la mienne ici (avec des photos pas mal).
Le communiqué des occupants.

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mardi 10 mars 2009

L'année du Centenaire


Cette fin de semaine, il y a avait un petit colloque à la Maison des Étudiants Canadiens. Un des présentateurs y est allé d'une conférence intitulée: "La salsa comme stratégie d’adaptation des transnationaux latino‐américains à Paris »". Ok, peut-être que ça vous dit absolument rien. Maintenant remplacez le mot salsa par hockey et latino-américains par Québécois. C'est l'évidence même.

Hier, alors que je me trouvais dans un party Couchsurfing (kossé je faisais là?) j'ai reçu un sms sur mon fabuleux téléphone cellulaire. Il était 22h11 heure de Paris. Huit lettres. Cé-A-Er-Bé-O-O-U-Té.


Carbo out. J'ai immédiatement compris. Huit lettres tapées frénétiquement sur un minuscule clavier de téléphone. J'ai reçu un message semblable de trois personnes différentes. Mes nouveaux "amis" couchsurfing m'ont demandé ce qui se passait. Un peu dur à expliquer. Voyez-vous, avec la distance, le phénomène hockey a pris des proportions inimaginables à Paris. Non seulement le samedi soir est pratiquement dédié au match (qui commence à 1h du matin...) mais je connais des gens que je ne nommerai pas qui se font envoyer les matchs en format 60 minutes et qui les regardent les jours suivants. On n'est pas très loin d'Elvis Gratton et des cassettes de baseball. Et magie, ce sont des filles. La passion pour le hockey outre-atlantique est donc plutôt égalitaire.

Je sais, je sais, Montréal est hockey. Mais Paris aussi. J'ai participé cette année à un pool avec des résidants de la Maison canadienne. Ma performance est comparable à mon habileté pour patiner à reculons: très très pénible. C'est la beauté d'être gérant d'estrade. Quand je suis revenu à la Maison d'Argentine hier soir, j'ai croisé des amies argentines (évidemment) dans la cuisine. Je leur ai annoncé la grande nouvelle, Carbo est fini. Je leur ai demandé qui, à leur avis, serait le nouveau coach. Et Carolina, de dire fièrement, Patrick Le Roy. (Elle a pas encore compris que c'est E Roy et non Le Roy). Vous voyez les proportions que c'est en train de prendre?

Ceci n'était qu'un préambule pour vous confier mon errance, ma quête. En 1995, les Nordiques déménagent. Pendant au moins 7 ans, il y a eu un graffiti dans la Côte d'Abraham avec le signe des Nordiques et écris RIP. Mais en 1995, j'avais 10 ans. Le pire âge. Au sortir de l'enfance, on commence à se créer une identité. Que faire?

Dans le merveilleux Colisée, se sont succédés les Rafales (ayant vu jouer Francis Bouillon et Glen Metropolit...et Serge et Mario Roberge (J'ai reçu une photo signée de la part de leur mère qui habitait la rue en face de chez nous). Ensuite, les Citadelles de Québec (le club école du CH, la cicatrice des Nordiques était trop fraîche, ils sont retournés dans la glorieuse Hamilton) et finalement les Remparts du Junior Majeur. Je ne vous parle même pas du RadioX.

Vous comprenez la confusion que tout ça peut apporter chez un jeune. Que s'est-il passé avec les amateurs des Nordiques? Certains se sont mis en tête de suivre l'Avalanche. Question de tourner le fer dans la plaie, l'Avalanche a gagné la mythique Stanley en 1996, j'avais alors 11 ans. C'en était trop. Comment, à 11 ans, peut-on gérer des sentiments aussi contradictoires sans tomber dans la folie??? Pouvez vous croire qu'il y ait eu des émeutes en 1996, à Denver, pas à Québec, à DENVER après la victoire de Joe Sakic (avant qu'il ne se passe une main dans la souffleuse), Peter Forsberg, Adam Foot ET PATRICK ROY!!! PATRICK ROY!!!

Quelques anecdotes d'enfance...

Lorsque le CH a gagné sa 24ième coupe, le 9 juin 1993, 2 ans avant le départ des Nordiques, je regarde le match, qui finit très tard. Permission spéciale disons. Et là, je suis déçu. Déçu et triste. Parce que cette année là, ce devait être le tour aux Nordiques, qui avaient même gagné les 2 premiers matchs de la série contre Montréal.

Le lendemain à l'école, tout le monde a la baboune. Dans leur imagination d'enfants, les écoliers répètent machinalement: "Les canachiens ont gagné la coupe cinglée". Je l'invente pas maintenant. Et là, préfigurant mon rôle de gérant d'estrade absolu, je commence une conversation sûrement fort brillante où j'argumente avec un camarade que tout ce qu'il manque aux Nordiques c'est un gardien comme E Roy. (Je l'admets j'écoute encore des clips de Ron Hextall sur youtube, en 2009...) Ron Hextall, qui jusqu'à la fin refusa le style papillon.

Là, j'ai besoin de l'aide du public, mais qui, de Valery Kamensky ou Andrei Kovalenko, avait des lacets vert fluo? Première question. Deuxième question, mais pourquoi je me rappelle de ça?

Sérieusement, l'histoire des Nordiques me prédestinait à m'intéresser à la politique. Je vous le demande, très sérieusement, y a t'il eu un événement plus clair cristallisant le racisme anti-québécois que lorsque Lindros, repêché par les Nordiques, refusa de mettre le chandail de l'équipe sous prétexte, notamment, que Québec était une ville francophone?

Et le déménagement même des Nordiques vers les States, n'est-ce pas l'apogée de la marchandisation du sport. Pensez qu'il y a des équipes à Nashville et à Phoenix mais pas à Winnipeg, Québec ou Hartford! Ok, Hartford, malgré les gilets les plus laids de l'histoire du hockey, mérite la gloire puisque j'ai une amie amateure de hockey (des Whalers) et originaire du Connecticut.

La saga entourant le passage à l'Ouest des Statsny, le coup final au bloc de l'Est. Dire que Peter Statsny est maintenant député au Parlement européen!

Mais, maintenant, est-ce normal (voire sain) que je connaisse tous les joueurs du CH, que je me passionne à parler de trios ou de blessures au "haut" du corps de Georges Laraque? Je le dis maintenant, cet intérêt pour le Club Canadiens de Montréal n'est que transitoire. C'est mon veau d'or, mon péché d'idolâtrie avant que Guy Laliberté ne règle son pseudo-divorce et nous achète un club.

Je crois qu'on peut affirmer, sans exagérer, que le hockey est hégémonique au Québec. Quand le très sérieux Le Devoir, fait sa une sur le Canadiens, c'est que: soit, 40 milliards de pertes à la Caisse de Dépôt c'est pas si grave, ou bien, il y a un intérêt presque général pour les déboires de la flanalette, dixit Sportnographe. Cet article du Voir est d'ailleurs fort intéressant.

Connaissez-vous Nick Hornby? C'est un de mes auteurs préférés. Ce fût le premier (et le dernier) à mélanger une passion obsessive pour le soccer (et l'équipe Arsenal de Londres) et la littérature. Alors que ces deux mondes parallèles se snobaient, il a été capable d'écrire une autobiographie drôle et émouvante en racontant son attachement irrationnel à une équipe de soccer. Fever Pitch est selon moi un des meilleurs livres que j'ai eu la chance de lire.

Et Hornby rappelle, avec candeur, que, comme tout son entourage (et même des gens qu'il ne connaît pas) savent qu'il est un fan fini de Arsenal, lorsque quelque chose d'important arrive pour cette équipe, il reçoit des dizaines d'appels. Les gens l'associent au club. Il s'en réjouit.

J'attends donc impatiemment le jour où l'on arrêtera de m'écrire lorsque Carbo est échangé pour me dire que oui, c'est fait, l'évanescent Mats Sundin, Patrick E. Roy et Joe Sakic ont mis leurs économies en commun pour acheter le Lightning. Avec LeCavalier, bien entendu.

P.S. Je lis avec toujours autant d'intérêt vos commentaires, qui se font de plus en plus rares. Je sais que plusieurs lisent ce blog, ne vous gênez pas pour me faire part de vos impressions ou de votre haine lancinante envers Marcel Aubut.

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vendredi 27 février 2009

La France des régions


Ça y est, mon deuxième "semestre" comme on dit en France, est débuté. Cette fois je deviens Français, au moins j'essaie. J'ai réalisé hier que j'avais vraiment eu la bougeotte lors de mon premier "semestre". Je suis allé 2 fois en Espagne, 2 fois en Italie ainsi qu'en Autriche et en Hongrie. Là, je me concentre sur mon pays d'accueil: aujourd'hui présentation du Carnaval de Dunkerque et de la pétanque!

L'an dernier j'écrivais: "Je suis un fan du Carnaval. Pas seulement du Carnaval de Québec (même si je ne manque jamais une parade de la Haute-Ville). Il y a 2 ans je vous ai entretenu du Carnaval dans la jungle équatorienne. Je reviens maintenant du Carnaval de Oruro, probablement un des plus importants au monde. Ok, Rémi est à Rio mais Danielita et moi avons connu un carnaval sans doute tout aussi torride, malgré le froid..."

Je suis toujours aussi un fan du Carnaval. Mais cette fois, je suis allé avec Maxime, Andrée-Anne et Marjorie, une collègue de Maxime, au Carnaval de Dunkerque. Dunkerque est une ville côtière, 3e port de France, situé près de Calais, donc en face de l'Angleterre. C'est aussi le lieu du plus important Carnaval en France.
Ok, là je vous en prie, regardez absolument ce reportage de TF1 et ce film de Marjorie. Vous comprendrez la folie complète de la chose.

Pour mettre les choses au clair, voici la mise en garde sur le site web de la ville:
"On n'est pas spectateur au carnaval de Dunkerque puisqu'il n'est pas un "spectacle".

On devient très vite acteur parmi des milliers d'autres acteurs : par un air de musique reconnu, par des amis rencontrés, par l'interpellation anonyme de carnavaleux chaleureux ou par l'intrigue personnalisée d'une relation déguisée et donc momentanément inconnue…

Chacun choisit sa voie pour accéder à la joie collective. "

En fait, c'est un peu ce qui m'avait ravi et déçu du Carnaval de Oruro en Bolivie. C'est un spectacle incroyable, tout à fait magnifique. Mais c'est un spectacle, que l'on regarde en se gavant de bière du haut d'un estrade acheté à fort prix.

Comparons le site web du Carnaval de Dunkerque et celui de Québec. Sur la page du "Carnaval de Québec en collaboration avec Loto-Québec" on y trouve les logos de Desjardins, d'Hydro-Québec, du Hilton, du Château-Laurier, de la SAQ, de Telus et de Métro. Sans oublier le très familial M. Christie détenu par Philip Morris sous le pseudonyme Altria. Vous direz que ça coûte cher un Carnaval, que ça doit attirer des touristes, faire des entrées d'argent pour la Ville. Vous avez raison.

Mais est-ce que cela veut dire que Dunkerque a tort?

À Dunkerque, il n'y a aucun commanditaire. Aucune marque de bière encouragée par les autorités. En fait, il n'y a pas d'autorité. Aucun produit dérivé. Aucune présence policière, aucune toilette chimique. Et aucun spectateur. Car, tout repose sur l'initiative personnelle, comme celle des pompiers qui offrent leur caserne pour un méga-party. Inutile de vous décrire toute les activités et l'émotion. Le vidéo de Marjorie est très fidèle au caractère de la chose. Notez que je ne me déguise pas normalement en femme, ce n'est que la folie du Carnaval. Je ne mets un clet'che de femme qu'au Carnaval de Dunkerque. Promis.

Tout ça pour dire que ça a probablement été le meilleur Carnaval de ma vie. Je n'ai pas l'endurance de le faire pendant des mois comme à Dunkerque (le Bal du Chat Noir commence le 31 janvier et le Bal du Printemps se termine le 14 mars). Un clin d'oeil au Carnaval en Équateur, ces paroles de chanson:
"La fumée de nos usines
Nous rend tous tuberculeux
On s'en fout on a bonne mine
On est des Carnavaleux".

La pétanque? Je suis un champion. J'ai gagné avec brio mon premier match. La chance du débutant. Avouez que le coach a vraiment l'air d'un pro!

-Sur la première photo, Mathieu qui nous hébergeait grâce à couchsurfing. Voici le blog de son père, un marin croate converti à la joie du carnaval.

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mardi 17 février 2009

Petite et grande misère de l'Italie ou la politique du kébab



J'adore l'Italie, et encore plus la ville de Naples. J'y suis présentement. J'éprouve un espèce de magnétisme inexplicable pour cette ville de poubelles, de crimes et de scooters. Il y a deux jours je suis passé à Florence. En coup de vent. J'ai du lever les yeux maximum 3 fois pour regarder le campanile de Giotto, que des touristes du monde entier parcourant des milliers de kilomètres viennent admirer. Je l'ai déjà vu me suis-je dit, en me faisant acroire que je me sentais coupable. A Naples, j'ai marché toute la journée. J'ai réussi à prendre un coup de soleil en pleine face (absolument impensable à Paris...) et des mégas ampoules aux pieds. Mais, décrire l'Italie comme ça serait un mensonge: ce pays me déprime aussi profondément.

La deuxième guerre mondiale est terminée depuis plus de 64 ans. C'est pas mal long mais en Italie (et je crois en Europe en général) le souvenir est encore frais. Mais, contrairement à l'Allemagne, l'Italie peine à faire son mea-culpa. On connait comment les Allemands sont prompts à s'excuser de leur passé. Dans une espèce d'auberge sandiniste au Nicaragua, on parle de politique avec des Israéliens. Rémi et moi sommes ahuris du fait que, sur bien des aspects, nous connaissons la géopolitique de leur coin de pays beaucoup mieux qu'eux. C'est un autre sujet... Une nouvelle touriste arrive. Tout le monde se présente, y compris ladite nouvelle touriste, une allemande. Et là, malicieusement, une des israéliennes dit quelque chose comme: "En parlant du loup". L'Allemande comprend le sens et se met à se répandre en excuses à propos de la Shoah. Ses grands-parents étaient peut-etre meme pas nés à l'époque.

Ce scénario est inimaginable pour les Italiens. Prenons un des pires exemples: Forza Nuova. Forza Nuova est un mouvement néofasciste présent dans toutes les régions du pays. Il a ouvertement pignon sur rue dans plusieurs dizaines de villes. Forza Nuova ce sont les jeunes racistes zélés issues des mouvements boneheads. Un des fondateurs, recherché par la police italienne pour un attentat terroriste ayant fait 85 morts et 200 blessés, s'est exilé en Angleterre, qui refuse son extradition. Lors de son retour en Italie en 1999, il est accueilli à l'aéroport par des députés et sénateurs de Forza Italia, le parti de Berlusconi.

Dans les dernières années Forza Nuova a été lié à la députée Alessandra... Mussolini. Elue pour la première fois en 1992, la petite-fille du Duce a été tour à tour rééelue. Elle a récemment siégé au Parlement européen ou elle participa notamment à la délégation du Mashrek, une délégation de l'Union européenne pour les relations avec le Liban, l'Irak, le Koweit et ... Israel. Avouez que, contrairement au reste du blabla de l'Union européenne, là il doit y avoir un peu de flamèches dans les discussions de salon. Elle est toujours députée en Italie, dans le nouveau parti de Berlusconi, absurdement nommé "Le peuple de la liberté".

Ce n'est que la pointe de l'iceberg mais, élue au Parlement européen avec plus de 133 000 voix, on voit poindre un pays encore largement raciste.

Mais, parmi toutes les histoires de kebab en Italie, il faut en distinguer deux dans les dernières semaines. A la fin janvier, le maire de la ville de Lucca en Toscane a interdit l'ouverture de nouveaux restaurants de kebab dans le centre historique. Est-ce du racisme ou la protection du patrimoine culinaire de la ville? Bien des villes d'Italie interdisent déjà les McDonalds, n'est-il pas juste d'interdire les kebabs qui prolifèrent partout en Europe au point ou il est pratiquement impossible de se nourrir de crèpes sur la rue de la Huchette à Paris et parfaitement impossible de manger de la cuisine hongroise sur le pouce à Budapest. Les kebabs sont partout. Mais, à Rome ça va un peu moins bien.

Il y a 2 jours, un groupe d'une vingtaines de personnes masquées est entré dans un kebab pakistanais de Rome en criant "Vi ammaziamo" (On vous massacre). Les cibles: des Roumains qui mangeaient un kebab. 24 heures plus tot deux émigrants roumains avaient agressés des jeunes italiens dans le meme quartier. Un peu avant l'attaque, une manifestation de Forza Nuova avec une banderole: "Per voi bestie nessuna pietà" (Pour vous, animaux, aucune pitié)

La position du gouvernement: déporter 800 000 immigrants irréguliers et forcer les médecins à dénoncer leurs patients privés de documents. Et, en meme temps, forcer les tziganes, qui vivent en Europe depuis des siècles, à etre identifiés et recensés. Les enfants aussi, par la force s'il le faut.

Hier, à la télévision, Gad Lerner, juif né au Liban, (un animateur d'une des meilleures émissions qu'il m'a été donné de voir) parle pour la minorité antiraciste: "Des trains blindés pour déporter 800 000 personnes aux frontières, ça donne froid dans le dos."

P.S. Mussolini petite-fille est membre honoraire de la Croix-Rouge italienne. La Croix-Rouge italienne est chargée du recensement forcé des tziganes. Déprimant que je disais.

P.S. Je suis un fan fini des kebabs. Aussi, les Italiens sont un peu moins jaloux que la pizza se soit répandue partout dans le monde, jusqu'aux kurdes patriotiques de Pizza Welat.

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samedi 14 février 2009

Liberta, grido il tuo nome!


Apres avoir chialé contre Iron Man sous-titré hongrois, je n'ai pu résister à l'envie de connaître cette langue. Car, jusqu'à maintenant, mes voyages en Europe m'ont amené à la recherche de la langue perdue. Car après le basque (qui bat des records de difficulté) et le sympatique catalan, je me suis attaqué au hongrois et à la surprenament belle Budapest.

Vous savez le hongrois ne fait pas partie des langues indo-européennes (comme pratiquement toutes les langues d'Europe, jusqu'aux langues parlées en Afghanistan, au Nepal, etc) mais bien des langues finno-ougriennes comme le finlandais et aussi les très connues langues caréliennes, live (parlée par 43 personnes dont 8 la parlant comme langue maternelle) et oudmourtes. Aussi bien dire que le hongrois ne ressemble à rien pantoute. Et, là, je le jure, c'est vraiment la première fois que je ne connais aucun mot d'une langue. L'allemand, j'apprenais vite. Je réussissais à demander quelques affaires, le basque, je pouvais me rabattre sur l'espagnol mais le hongrois vraiment là, blocage.

Comme j'ai décidé d'aller en Hongrie sur un coup de tête, je ne savais pas trop où dormir. J'ai donc été sur couchsurfing et j'ai eu la révélation.

Je l'ai déjà dit à certains, mais pour moi, faire du pouce est une expérience mystique. C'est vraiment biblique même. T'attends sur le bord de la rue. Tu portes ton sac (croix) et t'attends. On l'espère pas 40 jours et 40 nuits mais des fois c'est sérieusement long. Avec Rémi à Cambelton, vraiment là c'était plus drôle. Cet été Danielle et moi avons aussi passé facilement 2 heures à la pluie battante devant le village (fort sympatique) de Grosses-Roches. Mais 2 heures à la pluie c'est long. Et de voir les dizaines de voitures passer sans s'arrêter c'est vraiment dur sur le moral et surtout sur la foi dans l'humanité. Et là, il arrive, le rédempteur, celui qui lave les péchés des autres à la vitesse de l'éclair, le gaspésien mytique, avec son pick-up, sa Bud entre les cuisses et sa guitarre.

Il devait aller à 120 km/h mais a "crissé" les breaks en nous voyant. 19 ans, impliqué dans le club de trappeurs de la Gaspésie il allait, attention, à Chibougamau. Il s'est dit, ben, faut que je passe par Québec. En fait, il ne savait ou c'était Chibougamau. Disons qu'une fois à Québec t'es pas tout à fait rendu. Tout ça pour dire qu'une seule personne a fait disparaître toute l'antipathie que nous pouvions avoir envers toutes les autres. Un rédempteur que je disais.

Mais, il y a mieux. J'ai nommé CouchSurfing.

L'idée est simple mais comme bien des idées simples on dirait que ça ne va pas de soi. Une communauté de personnes qui proposent gratuitement de dormir sur leur divan et de faire visiter la ville dans laquelle ils vivent en échange de... rien. Une nouvelle amitié. Avouez que dans le monde dans lequel on vit, si quelqu'un vous avais dit ça il y a 5 ans vous auriez cru le projet impossible. Voyons voir les statistiques du site (site sans publicité!):

Hier, il y a eu 2386 rencontres réelles entre des gens qui ne se connaissaient pas. De ce nombre, une partie des gens a indiqué si l'expérience leur a plût.
1701 a dit que l'expérience a été positive, 4 ont dit que cela avait été négatif.

Comparez à ce qu'on trouverait comme appréciation pour un hotel ou une auberge de jeunesse...

Depuis l'existence du nouveau site (2006) le taux d'expériences positives est de 99.801%.

Donc, voilà, je suis moi aussi enthousiasmé après avoir dormi chez une Normande de Budapest. Et la semaine prochaine, Maxime, Andrée-Anne, une autre amie québécoise et moi partirons pour Dunkerque dans le Nord de la France. Un couple franco-croate nous hébergera avec CouchSurfing. Donc, en attendant de tomber dans le 0.2% d'expériences négatives, je suis vendu.

Et j'ai aussi rencontré un autre genre de bonhomme dans mon trajet de Budapest à Bologne en Italie. Je marche un peu dans le train garé à Milan. Un homme me demande si j'ai froid, je dit que non. 5 minutes plus tard il revient et me demande si je suis italien. Je dis que non, je suis canadien. Il dit qu'il est algérien. C'est bien. Je retourne dans mon compartiment.

Il vient s'asseoir près de moi. Il a vraiment une sale gueule. Un malabar comme on dit. Il me demande si j'étudie à Bologne (qui compte la plus vieille université d'Occident: 1066, ça fait mal à un 400 ans). Je dis que non, je suis en vacances. Et là je demande: "Toi, tu travailles à Bologne". Il dit: "Non, je suis sorti de prison aujourd'hui à 16h". Voilà. Et là, comme par magie, le type m'est apparu plus sympatique. S'il avait dit autre chose, je l'aurais encore trouvé louche mais là, c'était clair, le type sortait de prison. C'était ça sa sale gueule. 1 an et demi en dedans, tu sors pas vraiment avec le sourire.

Et là il entreprend de me raconter la vie carcérale. J'ai à un moment eu le vertige. Sérieusement, un colosse de 35 ans, né à Barbès, qui me raconte la vie d'un homosexuel arabe dans une prison italienne. Disons, que y'a comme un monde qui me sépare de Michel et de son chum russe de 19 ans qui en a encore jusqu'à septembre.
Il a donc entrepris de me raconter toute sa vie sentimentale depuis l'âge de 13 ans, son premier chum, Philippe, d'un lycée parisien, son mariage raté sous la pression de sa famille, son chum italien qui s'est tué dans un accident de voiture (alors que Michel conduisait), son chum italien qui allait le chercher à son arrivée cette nuit là à 4h du matin.

Le type avait une rage de parler. Il ne s'est pratiquement pas interrompu. Il me faisait penser à cet homme qui m'a donné un lift allo-stop, ancien cocaïnomane, qui m'a entretenu pendant 2h et demi de la dépendance aux opiacés et des NA. Fight Club a visé juste en illustrant la quête de sens et d'humanité qui pousse Marla et Edward Norton a frequenter des groupes d'entraide. Michel, l'ex-détenu, semblait avoir ce besoin de serrer quelqu'un dans ses bras, de se confier. J'ai accepté de jouer au psy (d'autant plus que la banquette du train me replaçait dans la peau du Viennois Freud). Le serrage dans les bras, j'ai passé mon tour.

Comment ça marche pour les gays en prison, la relation avec les gardes, les droits des détenus, la section "protégée" pour les violeurs, le train-train quotidien, les douches. Il a tout débité. Et il pouvait parler d'un naturel du "41 bis" comme si l'humanité entière était familière avec le jargon des prisons italiennes. Et, c'est fascinant comme une institution comme la prison est puissante. Même si c'est historiquement extrêmement inefficace (voir Un monde sans prison? d'Albert Jacquard) si je vous demandais si on pourrait faire une société sans université, sans armée, sans hôpitaux, vous répondrez sûrement que oui, mais que ce serait pas évident, qu'il faudrait changer des choses mais, dans le fond, oui ce serait possible. Mais une société sans prison? Inimaginable. Et pourtant. La prison est l'exemple suprême d'un gaspillage de ressources sans fin, qui sert d'école du crime, qui brise des humains et qui nous fait sentir (nous, ceux à l'extérieur) relativement peu un sécurité. Car, on le sait, les prisonniers finiront par sortir. Plus endurcis, humiliés, asociaux, brisés par "notre système". Rassurant.

Michel, une belle leçon d'humanité. Bonne chance pour le reste.

Photo: Liberté, je crie ton nom: affiche pour un événement pour en finir avec les prisons. Un peu plus pertinent que la radio-poubelle.

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dimanche 8 février 2009

Iron Man n'est pas hongrois

Aller de Paris a Vienne en bus me paraissait comme de la petite biere. Apres tout, les thromboses d'Europe centrale ne sont certainement pas pires que celles d'Amerique latine. Ce que je ne savais pas au moment de monter dans le bus Eurolines c'est l'etonnante proximite culturelle entre les chauffeurs de bus peruviens et leurs homologues hongrois.

Dans le bus, je decide de me mettre le plus loin possible d'une famille qui semble potentiellement turbulente. J'ai bien fait. Mais, un homme, sosi absolu de Tommy Chong, un des gars de Cheech et Chong est venu s'installer en arriere de moi. Le bonhomme a tellement correspondu au profil que j'ai pratiquement pas dormi. Mais ce qui plus memorable ce sont les films qui ont ete joues dans le bus. 1. Les chevaliers du ciel. Une version francaise de top-gun, sous-titre en hongrois pour ajouter au plaisir. 2. Iron Man. 3. Ma sorciere bien-aimee avec Nicole Kidman.

Mais, avez-vous vu Iron Man????? Deja que je considere que les films de super-heros sont une plaie absolue pour le cinema, d'autant plus que Marvel a fait au moins autant de personnages que Watatatow, ce qui veut dire qu'on en a au moins pour des milliers d'annees avant d'avoir epuise le filon. Mais, serieusement, Iron Man, c'est incroyablement mauvais. Je m'etais endormi sur Hellboy II au cinema (vous trouvez pas ca incroyable aussi que les noms de cinema soient maintenant commandites? C'etait au cinema "Banque Scotia"...) mais Iron Man c'est vraiment le top.

Ce qui depasse l'entendement dans Iron Man, c'est d'avoir reussi a faire un film de propagande aussi impunement. Le monsieur Iron Man est un multi-millionaire qui produit de l'equipement militaire. Au moins, on est honnete des le debut, le mec couche avec la journaliste des les premieres cinq minutes. Ca on le savait deja mais de le montrer dans le film ca ajoute a la veracite du personnage. Et le film continue en nous faisant l'apologie du complexe militaro-industriel, comme quoi c'est essentiel de fabriquer des armes beaucoup trop puissantes pour etre meme utilisees et comment les inventions de l'armee servent dans la vie courante.

Je n'en croyais pas mes oreilles anglophones et mes yeux hongrois.

Et l'Autriche? Calme et gentille. Hier je me suis ramasse dans un "klub" pour voir un show de musique des Balkans. J'aurais pas pu esperer mieux. La vedette, Marko Markovic, 3 ans plus jeune que moi et fils du legendaire Boban Markovic, a ete impeccable. Un tzigane serbe tout droit sorti d'un film de Kusturica (ce qui est effectivement le cas) mais avec la dentition de Mike Ricci. Que demander de mieux.

Mais decidemment, l'allemand c'est pas une langue facile. Prochaine etape, Bratislava. Et bientot je mets des accents dans mes message. ßßß

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samedi 17 janvier 2009

Outremangeurs non-anonymes?


Je crois avoir un bon rapport à la nourriture. Je me fous éperdument de mon poids (l'été dernier je me suis pesé pour la première fois en 2 ans environ), je crois que je suis en forme et je ne mange pas vraiment de "cochonneries" comme des chips ou du chocolat. Mais, cette semaine, un éclair à traversé mon esprit: pourquoi aie-je mangé un kilo de yogourt en quelques minutes?

Dans une épicerie québécoise, j'achète presque immanquablement un pot de yogourt "Méditerranée". Avec le plus haut taux de gras si possible: le yogourt qui goûte rien ça me fâche. Et, en arrivant en France, compte tenu du nom dudit yogourt j'avais pris pour acquis que dans un pays méditerranéen on vendrait du yogourt qui goûte. Hélas, la vie n'est pas si facile. Les Français mangent beaucoup de yogourt. Mais dans des pots minuscules. Or, même si Laure Waridel m'énerve profondément, je crois que j'ai quand même une certaine conscience écologique et le fait d'acheter un paquet de 30 petits pots de 50ml me choque. Je n'ai donc pas acheté de yogourt depuis mon arrivée. Ça, c'était avant que je comprenne la langue française. Du yogourt nature en français de France ils appellent ça du fromage blanc. Faut le savoir quand même. Mais, alors que le yogourt Liberté contient 8,5% de matières grasses, le fromage blanc Leader Price tourne autour du 20%. En revenant de l'épicerie, tout fier de ma trouvaille, je me suis installé pour travailler à l'ordinateur et puis... 1 kilo engouffré.

Ça m'a fait peur. Pour la première fois, je me suis demandé si j'avais un problème. Puis, l'idée m'a quitté l'esprit. Et là, je me suis souvenu de l'histoire des bagels.

Bien franchement, je n'ai pas déménagé à Montréal parce que la ville m'attirait. C'est plutôt que, à l'époque, Québec était contaminée d'imbéciles faisant des manifestations en voiture pour l'Opération Scorpion et le journal de Québec titrait : "Plus de monde qu'au Sommet" pour parler de la manifestation des auditeurs de CHOI Radio X. Disons que je voulais aller voir si l'herbe était plus verte dans la cour du voisin. De fait, comme la moitié de Roberval vit autour de la rue Parthenais à Montréal (où j'ai déménagé), sans compter les exilés de Québec comme moi, la vie dans la seule ville au Québec était relativement plaisante. Mais, je n'aimais quand même pas Montréal.

Je commence à changer. Et, certains endroits me manquent réellement. Non seulement le Dieu du Ciel, probablement la meilleure micro-brasserie au Québec mais aussi les bagels. Car, dans le Mile-End, il y a deux écoles de pensée qui à mon avis sont absolument irréconciliables. Les bagels Fairmount et les bagels St-Viateur.

Non seulement les deux boulangeries sont à environ 50 mètres de distance mais elles sont aussi ouvertes 24h. Et il n'y a pas grand chose d'aussi apaisant qu'un bagel à 3h du matin. Surtout quand il coûte 80 cennes et qu'il sort droit du four, servi par un des multiples immigrants du tango de Gérald Godin.

L'été dernier, en se promenant avec Danielle, nous sommes arrêtés à Fairmount (St-Viateur pour moi est définitivement la lie du bagel et ne me parlez surtout pas de prétendus bagels de New-York) pour acheter un beau sac de 6: graines de sésame. (Je suis encore convaincu que les graines de pavot provoquent des hallucinations). Danielle a mangé un bagel et elle est partie travailler je crois. J'ai donc mangé les 5 autres bagels en environ 30 minutes pour ensuite m'endormir/perdre connaissance. À son retour, Danielle m'a chicané comme on chicanerait un petit chien. J'avais vraiment honte. Mais, le bien était fait: j'avais mangé 5 bagels.

L'histoire en est restée là jusqu'à ce que je mange un kilo de yogourt/fromage blanc. Là, personne était là pour me chicaner sauf la fameuse conscience. Je fais donc mon mea culpa sur ce blog. Souhaitez moi que ça n'arrive plus. Quoi que c'est vraiment bon du yogourt.

Au fait, sur le merveilleux wikipedia, j'ai appris qu'il y a polémique sur l'invention des bagels mais qu'une hypothèse est qu'ils aient été inventés pour saluer le courage du roi de Pologne qui venait de sauver l'Autriche. Ça tombe bien, je m'en vais en Autriche dans 3 semaines.

P.S. L'adresse du blog de LP et de Karine en voyage en Amérique centrale: http://voyageenamerique-kclp.blogspot.com/
Photo: La tyrannique serveuse du Resto U Mabillon (voilà Rémi!)

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