mardi 17 février 2009

Petite et grande misère de l'Italie ou la politique du kébab



J'adore l'Italie, et encore plus la ville de Naples. J'y suis présentement. J'éprouve un espèce de magnétisme inexplicable pour cette ville de poubelles, de crimes et de scooters. Il y a deux jours je suis passé à Florence. En coup de vent. J'ai du lever les yeux maximum 3 fois pour regarder le campanile de Giotto, que des touristes du monde entier parcourant des milliers de kilomètres viennent admirer. Je l'ai déjà vu me suis-je dit, en me faisant acroire que je me sentais coupable. A Naples, j'ai marché toute la journée. J'ai réussi à prendre un coup de soleil en pleine face (absolument impensable à Paris...) et des mégas ampoules aux pieds. Mais, décrire l'Italie comme ça serait un mensonge: ce pays me déprime aussi profondément.

La deuxième guerre mondiale est terminée depuis plus de 64 ans. C'est pas mal long mais en Italie (et je crois en Europe en général) le souvenir est encore frais. Mais, contrairement à l'Allemagne, l'Italie peine à faire son mea-culpa. On connait comment les Allemands sont prompts à s'excuser de leur passé. Dans une espèce d'auberge sandiniste au Nicaragua, on parle de politique avec des Israéliens. Rémi et moi sommes ahuris du fait que, sur bien des aspects, nous connaissons la géopolitique de leur coin de pays beaucoup mieux qu'eux. C'est un autre sujet... Une nouvelle touriste arrive. Tout le monde se présente, y compris ladite nouvelle touriste, une allemande. Et là, malicieusement, une des israéliennes dit quelque chose comme: "En parlant du loup". L'Allemande comprend le sens et se met à se répandre en excuses à propos de la Shoah. Ses grands-parents étaient peut-etre meme pas nés à l'époque.

Ce scénario est inimaginable pour les Italiens. Prenons un des pires exemples: Forza Nuova. Forza Nuova est un mouvement néofasciste présent dans toutes les régions du pays. Il a ouvertement pignon sur rue dans plusieurs dizaines de villes. Forza Nuova ce sont les jeunes racistes zélés issues des mouvements boneheads. Un des fondateurs, recherché par la police italienne pour un attentat terroriste ayant fait 85 morts et 200 blessés, s'est exilé en Angleterre, qui refuse son extradition. Lors de son retour en Italie en 1999, il est accueilli à l'aéroport par des députés et sénateurs de Forza Italia, le parti de Berlusconi.

Dans les dernières années Forza Nuova a été lié à la députée Alessandra... Mussolini. Elue pour la première fois en 1992, la petite-fille du Duce a été tour à tour rééelue. Elle a récemment siégé au Parlement européen ou elle participa notamment à la délégation du Mashrek, une délégation de l'Union européenne pour les relations avec le Liban, l'Irak, le Koweit et ... Israel. Avouez que, contrairement au reste du blabla de l'Union européenne, là il doit y avoir un peu de flamèches dans les discussions de salon. Elle est toujours députée en Italie, dans le nouveau parti de Berlusconi, absurdement nommé "Le peuple de la liberté".

Ce n'est que la pointe de l'iceberg mais, élue au Parlement européen avec plus de 133 000 voix, on voit poindre un pays encore largement raciste.

Mais, parmi toutes les histoires de kebab en Italie, il faut en distinguer deux dans les dernières semaines. A la fin janvier, le maire de la ville de Lucca en Toscane a interdit l'ouverture de nouveaux restaurants de kebab dans le centre historique. Est-ce du racisme ou la protection du patrimoine culinaire de la ville? Bien des villes d'Italie interdisent déjà les McDonalds, n'est-il pas juste d'interdire les kebabs qui prolifèrent partout en Europe au point ou il est pratiquement impossible de se nourrir de crèpes sur la rue de la Huchette à Paris et parfaitement impossible de manger de la cuisine hongroise sur le pouce à Budapest. Les kebabs sont partout. Mais, à Rome ça va un peu moins bien.

Il y a 2 jours, un groupe d'une vingtaines de personnes masquées est entré dans un kebab pakistanais de Rome en criant "Vi ammaziamo" (On vous massacre). Les cibles: des Roumains qui mangeaient un kebab. 24 heures plus tot deux émigrants roumains avaient agressés des jeunes italiens dans le meme quartier. Un peu avant l'attaque, une manifestation de Forza Nuova avec une banderole: "Per voi bestie nessuna pietà" (Pour vous, animaux, aucune pitié)

La position du gouvernement: déporter 800 000 immigrants irréguliers et forcer les médecins à dénoncer leurs patients privés de documents. Et, en meme temps, forcer les tziganes, qui vivent en Europe depuis des siècles, à etre identifiés et recensés. Les enfants aussi, par la force s'il le faut.

Hier, à la télévision, Gad Lerner, juif né au Liban, (un animateur d'une des meilleures émissions qu'il m'a été donné de voir) parle pour la minorité antiraciste: "Des trains blindés pour déporter 800 000 personnes aux frontières, ça donne froid dans le dos."

P.S. Mussolini petite-fille est membre honoraire de la Croix-Rouge italienne. La Croix-Rouge italienne est chargée du recensement forcé des tziganes. Déprimant que je disais.

P.S. Je suis un fan fini des kebabs. Aussi, les Italiens sont un peu moins jaloux que la pizza se soit répandue partout dans le monde, jusqu'aux kurdes patriotiques de Pizza Welat.

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