jeudi 14 mai 2009

Le Grand Pari: Bruxelles, Montréal, Québec


Vous en avez peut-être entendu parler, le Grand Pari. Mister Sarkozy a convié une dizaine d'architectes et d'urbanistes "de classe mondiale" pour imaginer un Paris différent, un Paris de l'an 2030. En fait, cela a touché une corde sensible chez moi, comme chez beaucoup de monde. Québec est ma ville. Je l'aime. Profondément. Montréal, mon lieu de résidence. Je commence à l'aimer. Bruxelles... Au moins y'a de la bière.

Si ce n'étais pas clair avant: je suis urbain. Un de mes bons amis, Beaudet, vient de déménager à Bécancour. Il s'est trouvé une job à St-Léonard d'Aston. 3 lignes sur wikipédia. Courage Beaudet. Je sais que c'est ça que tu souhaitais mais personnellement, je ne peux me résoudre à déménager dans une telle campagne. En fait, je pense que, dans mon for intérieur, j'aimerais venir d'un trou. Un St-Élie de Caxton, les Îles-de-la-Madeleine ou Harrington Harbour. Mais c'est un fantasme. Non, je ne déménagerai pas là. C'est comme venir de la Nouvelle-Orléans. On en rêve tous secrètement. Mais jamais on y déménagera. Trop chaud. Trop... Je sais pas. Pas assez aussi.

Un peu comme Naples aussi. On peut souhaiter en être originaire. En fait, on ne veut pas y vivre, on veut être Napolitain. Aussi bien dire que c'est impossible. Et c'est correct comme ça.

Mais, justement, c'est ce qui fait que l'on devrait se préoccuper à changer, à améliorer d'où on vient. Commençons par Paris.

Les plans des amis de Sarko sont sympathiques. On parle de verdure, de jardins sur les toits, de transports efficaces, de commerces de quartier. En fait, ça a bonne presse de donner des millions à des visionnaires et de critiquer les "locaux" qui souhaitent de la verdure, des jardins sur les toits, des transports efficaces, des commerces de quartier d'"immobilisme" mais pour tu-suite. Je vous le demande: y a t'il déjà eu un concept aussi sournois et vide de sens que celui d'immobilisme?

Au Québec il est de bon ton de critiquer ceux qui ne veulent pas d'une ville vivante en 2030 mais plutôt maintenant. Il y a une paranoïa à propos du Plateau-Mont-Royal. À en croire certaines lignes ouvertes ou journalistes patentés, le Plateau serait une espèce de grande loge de la franc-maçonnerie où se déciderait l'avenir du monde et le génocide des banlieusards.

J'ai ma petite idée là-dessus. En fait, j'ai travaillé pendant 2 étés pour des groupes communautaires de ce quartier. Y a t'il des riches sur le Plateau? Certainement. Sont-ils majoritaires. Non. Le quartier est un des plus pauvres du Québec. Statistiques à l'appui.

L'équivalent de Québec du Plateau serait peut-être un hybride entre St-Jean-Baptiste et St-Roch. Le site web QuébecUrbain est un trésor pour les amoureux de l'urbanisme et de l'architecture de Québec.
Et dès qu'il y ait question de St-Jean-Baptiste, une horde d'internautes, méprisant à qui mieux-mieux les habitants du quartier, ne jurent que par la hauteur. À les écouter il faudrait construire une Tour Montparnasse à l'îlot Berthelot. Exit le logement et la vie de quartier. En fait, le discours est particulièrement hypocrite. On dit d'un côté: il est irrationnel de construire du logement social (des coopératives) dans un endroit aussi central. De l'autre on dit qu'il faut éviter de faire des ghettos de pauvres. Donc, pas de ghettos de pauvres au centre-ville. Mais à Bardy là c'est pas grave. C'est l'inverse du pas dans ma cour. C'est pas dans mon centre-ville.

Connaissez-vous le Village de l'Anse? Un immense complexe d'habitation pour pauvres. 400 logements. La dernière fois que j'y suis allé c'était pour assister à une méga-bataille à genre 50 contre 50. La police a débarqué illico (ça fait pas loin de Victoria...) C'est une cité à l'image des cités françaises. Emmurée, complètement artificielle, éminemment multi-ethnique. On y vit pas pire qu'ailleurs mais les dangereux visionnaires qui l'ont créé n'y vivent certainement pas.

Car ce qui fait la vie de quartiers comme St-Jean-Baptiste où St-Roch ce ne sont pas les grandes firmes de haute-technologie attirées par les congés de taxes à répétition, ni les parcs construits à coup de millions de dollars et où la police débarque quand on se trempe les orteils dans la fontaine. C'est la diversité du tissu urbain. Ben oui, il y a des punks, des prostituées et des mendiants. Ben oui, c'est ça une ville.

Car dans toutes ces revitalisations, de St-Roch à Pointe-St-Charles, à quoi redonnent t'on la vie? En fait, la question est fausse. Ce qu'on a reproché à St-Roch ce n'était pas seulement la fermeture de dizaines de commerce mais le fait que le quartier était bien vivant. Ça dérangeait. Revitaliser a voulu dire chasser. À quoi bon créer des emplois si c'est pour en exclure les résidents? La madame qui parlait à ses souliers dans le mail St-Roch elle a tu trouvé une job à Ubisoft? Non. Elle a été forcé de déménager. Ailleurs. Dans St-Sauveur, Limoilou, Charlesbourg, Beauport.

À mon avis, la rue St-Joseph est plus terrifiante maintenant qu'il y a 10 ans. Ok, en 1999, il fallait craindre le Chinois qui marchait avec une canne et la tête vraiment croche. Ou bien, on regardait le monsieur qui a une malformation géante du nez et on se trouvait chanceux d'être nous-même aussi beaux et en santé. Maintenant, après 17h la rue est déserte. Avant il y avait de l'animation 24h.

C'est pas pour idéaliser le passé. Il y avait des problèmes dans St-Roch. Comme il y en a dans St-Jean-Baptiste ou à Pointe-St-Charles. Des problèmes de pauvreté, de logement, de chômage, d'exclusion, d'analphabétisme. Quand la nouvelle chocolaterie fancy de la rue St-Joseph fait une campagne pour faire fermer la soupe populaire évangélique de la rue du Pont c'est parce qu'on est passé à côté de la track pas à peu près.

Sur Québec Urbain on se plait aussi à casser du sucre sur le dos du comité populaire St-Jean-Baptiste. C'est quand même une organisation unique, qui a su survivre depuis plus de 30 ans. Et qu'est-ce qu'on reproche au compop? D'avoir créé la Fête du Faubourg? Une joujouthèque où l'on peut emprunter des jouets? De faire la promotion du logement social où se côtoient résidents pauvres et moins pauvres et commerces de proximité. Ou bien de souhaiter une "rue partagée" où piétons, cyclistes et automobilistes cohabitent. Ha bon! Une rue partagée. Exactement les plans futuristes de l'Anglais Richard Rogers invité par Sarko.

C'est bon avoir des projets osés, innovateurs. Est-il nécessaire de demander à des experts? Comme dirait Renaud:

"Tes H.L.M. sophistiqués. On n'en veut pas nous nos maisons. On s'les construira nous même. Sur les ruines de tes illusions."

Ou bien pour citer un autre chanteur populaire: "Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l'œil de ton frère et n'aperçois-tu pas la poutre qui est dans ton œil à toi !"

1 commentaire:

Unknown a dit...

t'as bien raison!!
ps la paille dans l'oeil... c'est de Dieu (ie.: dans la bible)