mardi 23 septembre 2008

La traversée de Paris


J'aime les langues. J'aime les accents aussi. Sauf ceux du clavier AZERTY. AZERTY? Vous connaissez pas? Comptez-vous chanceux. En fait, j'en suis à me demander si les humains ne seraient pas vraiment profondément réfractaires au changement. Ce qui a évidemment de lourdes conséquences sur l'éventail de possibles politiques. Tout comme les langues aussi.

Donc, le clavier AZERTY. C'est la version française (et belge) du clavier QWERTY que vous avez devant vous. QWERTY pour les lettres en haut à gauche. Donc, figurez-vous qu'en France c'est pas le Q la première lettre, ni le W la 2ième. Ces lettres sont donc ailleurs. C'est une chaise musicale de lettres qui pour tout nord-américain (ou en fait, probablement la majorité des non-français, est synonyme d'un retour à l'âge de 8 ans quand on devait regarder les touches. Un retour à la phase John McCain de notre existence.

L'an dernier je vous parlais d'un livre que j'avais bien aimé: Guns, Germs and Steel de Jared Diamond. Dans le livre on y explique que le clavier QWERTY (et aussi AZERTY) ont été conçus au temps des dactylos afin d'éloigner les lettres les plus utilisées pour éviter que les tiges ne se frappent. C'est donc un clavier conçu scientifiquement pour être le moins efficace possible au niveau de l'ergonomie. Et on est encore pogné avec. Mais les Français eux, ont leur AZERTY. Un peu comme les Américains avec les Fareinheit. Mais sérieux, un clavier c'est plus frustrant qu'un thermomètre.

Je disais donc que j'aime les langues. Or, en linguistique, un débat violent a longtemps fait rage. Celui opposant l'hypothèse Sapir-Whorf et Noam Chomsky. Sapir et Whorf ont théorisé, il y a déjà un certain temps, que : la "réalité" est, dans une grande mesure, inconsciemment construite à partir des habitudes linguistiques du groupe. Deux langues ne sont jamais suffisamment semblables pour être considérées comme représentant la même réalité sociale. Les mondes où vivent des sociétés différentes sont des mondes distincts, pas simplement le même monde avec d'autres étiquette".

Chomsky, dont la théorie est pas mal plus populaire, prétend que l'on peut dire absolument n'importe quel concept, dans n'importe quelle langue. En fait, que notre cerveau utilise une langue universelle pour représenter la réalité. Il suffit donc de se servir de n'importe quelle langue pour "concrétiser" cette réalité mentale.

Il y a probablement du vrai dans les deux théories. Mais cette référence aux théories linguistiques me vient de l'urbanisme des Français. Sérieusement, ça représente un véritable casse-tête en vélo mais, surtout, ça implique de comprendre la réalité d'une manière différente à celle à laquelle je suis habitué.

Le concept même d'un boulevard périphérique nous est complètement étranger. Tout comme celui de carrefours giratoires. Car, pour aller du point A au point B, il ne suffit pas de faire une sorte de rectangle comme à Montréal: descendre à la bonne hauteur au sud, et ensuite continuer vers le point à l'ouest que l'on veut atteindre. Si on manque la rue, on prend la prochaine et c'est réglé.

Mais ici tout est courbe. Tout est une question d'étapes. Il faut se rendre vers un carrefour où pleins d'avenues convergent et, de là, faire un tour d'un degré correspondant à ce qu'on cherche. Alors que chez nous on est strictement dans le 90 degré, ici tout est variable, malléable et donc étourdissant. En vélo c'est un beau défi. Alors qu'à Montréal rouler sur la ligne jaune est un bon challenge, ici c'est commun. Même les motos le font. Mais le traffic est plus lent. Car le risque de manquer son avenue par un mauvais calcul d'une dizaine de degrés semble plus grand que celui de rouler à basse vitesse. Ou encore, le risque de prendre un tunnel à sens unique à l'envers. En vélo ça pardonne pas.

Et que dire des pauvres automobilistes qui restent pris dans un rond-point confus. J'ai croisé plusieurs cyclistes qui leur criaient: "Champignon!". J'ai fini par oser et demander le sens à un de ceux-ci: "La voiture vient de pousser dans le rond-point". Mignon. Bref, est-ce que le fait que l'urbanisme français soit ainsi fait, par convergence, a un impact quelconque sur le reste de la vie? Les mauvaises langues diront que c'est pour ça que les Français pensent être le centre du monde...

1 commentaire:

Gab a dit...

Ditto pour le vélo à Londre!!! Tu viens d'exprimer exactement ma confusion géographique et urbaine depuis que je fais du vélo à Londre. Maintenant j'ai compris que mieux vaux s'assoir devant sa carte pour apprendre son trajet avant de partir, car c'est pas en tournant 'à peu près' à gauche ici et à droite là-bas que tu vas arriver à destination!
Je m'en viens pas pire pour faire mon chemin au milieu des autos, motos, piétons... Mais les ronds-points continuent à me terrifier.
Continue à faire attention à toi! (portez vous des dossards fluos à Paris?)