jeudi 18 décembre 2008

J'ai rencontré Bérangère!

Je vous ai dit que ma résolution du 2 décembre était de rencontrer des Français, non? Je la prends très au sérieux. Ça commence. Survol de cette semaine.

Mardi je suis allé dans une présentation de films et une discussion sur les travailleurs sans-papiers. Le phénomène est d'importance en Europe et ces travailleurs sont vraiment traités comme du bétail, parfois enfermés dans des prisons pendant des mois pour une simple question de papiers. En juin dernier, des centaines de sans-papiers mettaient le feu à leur prison, le centre de rétention de Vincennes. Donc, tentative de connaître des militants des droits humains à Paris et d'en apprendre davantage. Constat: échec. La soirée était mal organisée, peu instructive, impossible de discuter avec quiconque. J'ai quitté avant la fin.

Mais après je suis passé aux choses sérieuses. Mon premier party de Sciences Po. Constat: échec. Ok, d'abord je suis vraiment très reconnaissant à mon amie de m'avoir invité chez elle. Ça ce n'est pas le problème. Elle a été une hôte formidable, nous empifrant de petits hors d'oeuvres qui me rappelaient étrangement un récent séjour au Pays-Basque. Le constat d'échec provient plutôt des autres participants de la petite fête. Vous avez tous déjà éprouvé la sensation d'être un poisson hors de l'eau lorsque vous arrivez à un party ou un événement et tout le monde est habillé beaucoup trop chic pour votre minable t-shirt. Ou bien l'inverse. Vous avez l'air d'un clown dans un party de fans de Nirvana.

Non, ce n'est pas ce qui est arrivé. Ou pas vraiment. Dans mon cours de sociologie, on étudiait la situation d'enquête chez l'aristocratie et la grande bourgeoisie. Voici un extrait. En parlant de la prestance, "d'avoir de la classe", les sociologues écrivent: "Véritable carte de visite, cette présentation de soi est le résultat de toute une éducation, d'une discipline du corps, qui, dans ses formes achevés, permet de montrer une élégance "naturelle", modalité somatique de ce miracle social qui transforme les caractères acquis en qualités innées, alchimie essentielle à la légitimation des rapports de domination."

L'an dernier, lors d'une escale à la Nouvelle-Orléans avec Rémi, nous sommes allés voir un match de football universitaire. Mississippi State visitait la pauvre université Tulane de la ville. Et les visiteurs, du Mississippi, non seulement plus nombreux que les locaux, avaient vraiment un drôle de style. Dignes décendants des propriétaires d'esclaves ils avaient l'air de... dignes descendants des propriétaires d'esclaves. En sortant du match de football, Rémi fait une remarque que je ne comprends pas à l'époque: "Ces garçons du Mississippi me font vraiment penser aux étudiants de Sciences Po Paris." Et voilà. En plein dans le mille.

Je ne vous ferai pas une description des gens, je ne saurais pas comment. Je vous invite quand même à écouter la pub de Smirnoff qui représente le tout, aux États-Unis bien sûr. Juste mentionner qu'un mignon bambin d'environ 17 ans portait un veston en tweed. Je croyais que c'était illégal avant d'avoir 40 ans ou d'être prof d'université (se référer à quand Homer Simpson devient prof de cours du soir...)

Plus fondamentalement, je ne me suis pas laissé découragé par le tweed et ai décidé de récidiver le soir suivant. Accompagné de Max et d'une amie de la maison canadienne. Entrée en matière, j'ouvre une fenêtre car TOUT LE MONDE fume et je déclenche une avalanche culminant avec une casserole d'un espèce de gruau qui vole dans la cuisine et se retrouve par terre. À ce moment, je ne connais personne dans le party et je crois que l'hôte se nomme Jamel alors qu'il s'appelle Kamel. Pas fort.

Cette fois c'est beaucoup plus relax, plus notre genre de monde. Et là elle arrive. La française mythique. Celle dont l'activité et le nom sont synonymes de foie gras, de vin et des fromages ingouvernables de De Gaulle. J'ai nommé: Bérangère du Bessez de Contenson, capitaine de l'équipe de pétanque. Et comme une capitaine de pétanque ne vient jamais seule, elle est accompagné de son set de boules. Des molles dit-elle avec dédain. Et à ma plus grande surprise, Bérangère est sympathique. Elle ne correspond pas du tout à la vision que je m'en étais faite. On partagera une bouteille de vin (la sienne)dont Maxime abusera...

Et le dilemme de m'assaillir. Je voulais faire un sport. La pétanque possiblement mais je regardais aussi en direction du Ultimate Frisbee qui se donne dans un stade à 100m de chez moi. (Le stade Charlety, lieu de réunion des contestataires de mai 68). Car le mélange de frisbee et de football serait un peu plus athlétique que la pétanque. Et je me rassurais sur le caractère tout aussi franco-français de la chose avec le nom de la capitaine: Amélie Chodron de Croucel. (Ça non plus ça s'invente pas).

Bérangère m'a convaincu. Elle me dit: "Il y a la chance du débutant et tu vas t'améliorer vraiment vite." Un sport qui combine l'agilité, la camaraderie et l'ingestion de pastis. Et voilà pour la pétanque et Bérangère. Je ne dit pas nom au frisbee quand même. À suivre...

Au fait, Danielita arrive demain! Les vraies vacances commencent.

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mardi 9 décembre 2008

Le centre du monde...


11 semaines depuis que j’ai commencé l’école. Voici finalement des impressions sur l’endroit où j’étudie : SciencesPo. Tout d’abord, il y a un flou sur le nom de l’institution, ce qui regarde mal déjà en partant. La Fondation Nationale des Sciences Politiques gère les IEP (Instituts d’Études Politiques), notamment l’IEP de Paris. C’est là que j’étudie. Mais l’administration utilise le terme SciencesPo avec ou sans espace, avec ou sans trait d’union. Mystérieux. J’ai déjà eu la discussion à savoir s’il y avait une différence entre des « études » politiques et une « sciences » politique mais je vous l’épargne pour cette fois-ci.

Petite histoire

En 1872, après s’être fait sacrer une volée par l’Allemagne et l’épisode bien trop éphémère de la Commune de Paris (la Commune refleurira…), des intellectuels français, authentiquement bourgeois, fondent l’École libre des sciences politiques. Par la suite, deux petites guerres mondiales plus tard, De Gaulle nationalise l’École (qui était alors une société par actions) et crée ce qu’on connaît comme « Sciences Po ».

Le but est de former une nouvelle élite de hauts fonctionnaires. Ça a pas trop changé disons.

L’école est une sorte d’hybride. Entre une université et ce qu’on appelle ici une « Grande école », c'est-à-dire le nec plus ultra de la sélection et de l’élitisme.

Au début des années 60, on planifia le déménagement de SciencesPo en banlieue. On construisit un bâtiment à Nanterre et puis survint mai 68 et les dirigeants craignirent l’effet des méchants contestataires de Nanterre. SciencesPo demeure donc encore aujourd’hui dans des bâtiments exigües du quartier de St-Germain-des-Prés.

Voilà, un peu pour la description. Au fait, j’ai obtenu aujourd’hui les statistiques sur les étudiants étrangers, c’est-à-dire étrangers de l’Union Européenne.

Surprise! Il y a plus d’Américains que de Canadiens. Ça m’a vraiment impressionné. Dire que l’Université de Montréal compte 60 étudiants américains en 2008 et que SciencesPo en a 219… Ça c’est les vrais étudiants, pas ceux en échange.

Mais question de bien comprendre je vous fais la description de 2 profs particulièrement intéressants, quoi que pour des raisons différentes.

Didier Schlacther m’enseigne les mathématiques. Premier cours : il nous jase ça et puis il dit qu’on sort dans un bar. Il paie la tournée, on reste et boit poliment et tout le monde retourne chez soi. Inimaginable au Québec.

Sa page wikipédia annonce qu’il a « développé une méthode propre fondée sur le comique de répétition. » Ce que wikipédia ne dit pas c’est que Schlachter ponctue ses cours de blagues toujours plus grivoises à mesure que la session avance. Il est aussi un digne représentant de l’humour français en cela qu’il affectionne particulièrement les… attention : contrepèteries. Je pourrais consacrer un post juste à ce phénomène. Allez lire la page wikipédia je vous en prie.

Mais notre ami Didier arrondie ses fins de mois à arnaquer les travailleurs de la multinationale Total en les mystifiant de statistiques. Il nous raconte d’ailleurs avec délectation comment il a plaidé pour la cause de Philip Morris contre l’assurance-maladie… Il demeure un excellent prof de math.

Ok, on passe à un autre numéro : Jacques Généreux.

Généreux, qui plogue constamment (et comiquement) ses propres livres dans ses cours, est d’un tout autre modèle. Il écrit des livres de vulgarisation économique à l’usage du commun des mortels. Il m’enseigne dans un amphithéâtre d’environ 300 places donc je peux pas dire que je le connais très bien. Mais, à titre d’anecdote : après le congrès du fabuleux Parti Socialiste français (dont les chicanes internes font d’ailleurs penser au PQ) Jacques est déçu du Parti et le quitte. Il l’annonce en amphithéâtre. « Mesdames et messieurs, j’ai quitté le Parti Socialiste ». Et là, réaction de certains : Applaudissements et hourras. J’en étais bouche bée. Mais Généreux voit qu’il ne peut faire un aussi beau cadeau à la droite (bien vivante à Sciences Po). Il se reprend : « J’ai quitté le Parti Socialiste car moi, je suis encore convaincu de la justesse du socialisme ». Et là, ça applaudit encore plus fort. Je suis mort de rire.

En effet, j’apprenais quelques heures plus tard (sur wikipédia toujours) qu’il fondait un nouveau parti, le Parti du Gauche. Fait cocasse : lors du premier rassemblement du parti, l’ambassadrice de la Bolivie est venue livrer un message d’appui d’Evo Morales. Comme quoi tout est dans tout comme dirait Jean Dion.

Et comme on ne connaît vraiment bien un village qu’en connaissant son fou, je vous présente l’hurluberlu de service. Celui de McGill était particulièrement détestable. Le gars se tenait à l’entrée principale avec une IMMENSE pancarte où il accusait l’hôpital juif de manger des bébés et des trucs comme ça.

Celui de SciencesPo est encore plus cocasse. Il distribue des tracts à propos de l’institution. Le type est obsédé par « l’authentique » IEP de Paris. Il distribue des tracts devant l’entrée qui disent :

« - L'authentique IEP de Paris, constituant le noyau de l'organisation de l'ensemble humanité (population-humanité), réunit SAVOIR et POUVOIR à leur niveau supérieur et devient le centre du monde ainsi que l'institution la plus importante dans l'absolu. »

Vous comprenez maintenant mieux où je me trouve.

Sur la photo: Jacques Généreux faisant une courbe d'offre et de demande en ombres chinoises alors que son crayon n'écrit plus.

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mercredi 3 décembre 2008

Basqu'y faut s'intégrer.


J'avais fermement l'intention d'écrire un message sur mon statut d'immigrant mais je ne l'ai pas fait. Entre temps je suis allé au Pays Basque. Je me dois d'en parler. Maxime, un ami de Québec, et moi avions l'intention de louer une voiture pour aller à Amsterdam. On a ensuite changé d'idée, à la suggestions de nos camarades de voyages de la maison de l'Argentine, pour se diriger vers la Normandie. Finalement, on a pas pu louer la voiture et on s'est rabattu sur le TGV. Direction Donostia.

Le Pays Basque était pour moi une énigme. Il en est encore une. Avouez que voir un homme barbu courir un marathon avec un béret c'est difficilement explicable. Donc, le Pays Basque, ou Euskadi, est un territoire entre la France et l'Espagne qui, pour faire simple, a historiquement préservé une culture unique.

D'abord la langue. Vraiment, absolument rien à y comprendre. Prenons, un mot au hasard. Le sigle ETA, du nom de l'organisation de libération. En basque c'est Euskadi Ta Askatasuna. Ça veut donc dire Pays Basque (Euskadi) et (Ta) Liberté (Askatasuna!!!!).

La page wikipédia sur la langue basque cite une recherche faisant remonter la langue au... paléolithique. Les habitants auraient donc survécu à la dernière glaciation en gardant leur langue intacte. Les hypothèses de parenté de la langue vont de l'Afrique du Nord, de la Tchétchénie à l'Inde. Disons, que la question n'est pas close.

On s'est donc bien amusé en Euskadi. Un peu difficile d'entrer en contact avec les gens par contre. Faut dire que je maîtrise deux langues historiquement oppressives (espagnol et français). Donc, à part un service à la clientèle désastreux, la gastronomie est tout à fait incroyable. L'ambiance aussi. Mais 2 jours c'est pas beaucoup pour saisir l'ethos de la place. On reviendra. On a ensuite filé à Biarritz, Pays Basque français. J'ai rien vu. Un temps de chien historique. Il y a eu 2 morts emportés par une crue des égouts. Ça vous donne une idée. Restait plus rien qu'à chanter "Dès que le vent soufflera" au karaoke. Ce qui a été fait.

Mais, je tiens quand même à écrire sur mon immigration. Je suis un mauvais immigrant. Je n'ai pas d'amis français. Je n'écoute pas la télé française. J'ai été voir une pièce de Wajdi Mouawad. J'ai écouté plusieurs match du CH et je suis mon pool de hockey de manière inversement proportionnelle à mon classement. J'ai été mangé de la soupe tonkinoise (un élément de base de mon alimentation montréalaise). Je me suis même fait une poutine dans le restaurant universitaire avec les frites, de la sauce et du camembert. Ça va mal.

Et le pire dans tout ça? J'ai choisi de venir ici. Je ne suis pas un réfugié. Je parle la langue. Je connais au moins un peu de culture française. Mais, niet. Aucune intégration. Heureusement, je ne vais pas au pot des québécois, une soirée hebdomadaire d'expatriés.

Ma résolution du 2 décembre est donc de me forcer, de faire un sport d'équipe. Je voulais jouer au frisbee mais l'horaire ne marchait pas. La karaoke n'est pas encore un sport apparemment, même s'il provoque une importante sudation. Un sport typiquement français? La savate? J'en ai fais à McGill est faut croire que je suis pas très flexible. Le handball? Non, je penserais pas.

Pour la prochaine session, c'est décidé: je deviens joueur de pétanque. Il y a une équipe de pétanque à Sciences Po. Et c'est pas des blagues: 3 podiums en 3 ans aux jeux inter Sciences Po. Mais peut-être que le nom de la capitaine vous convaincra de la nature profondément française de la discipline: Bérangère du Bessez de Contenson. Ça s'invente pas.

Voilà, c'est ma résolution. Je connaîtrai des Français. Et sinon, je déménage au Pays Basque manger des pintxos.

P.S. Les photos sont de Maxime.

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