dimanche 2 décembre 2007

Un oasis dans Notre Amérique


Vos nouvelles sont problement pleines de nouvelles sur la Colombie et leur otage la plus connue, Ingrid Betancourt. Ici aussi. Mais ce qu'on attend aux nouvelles est parfois fort différent de ce qui se passe sur le terrain.

Pensez au pire de ce qu'on entend sur le régime cubain. Des journalistes en prison, un syndicat unique contrôlé par le pouvoir, etc. Pensez au pire du régime chaviste. La liberté de la presse menacée selon certains. Un président omnipotent. Ok, prenez le pire de ces pays, multiplié le par 10 et vous aurez le gouvernement colombien d'Alvaro Uribe. Aux nouvelles cette semaine, un chef des paramilitaires, admet, sans broncher, avoir procédé à l'assassinat, attention, de 1500 personnes. Dans le même bulletin de nouvelles, un haut-gradé de l'armée sort d'une prison militaire pour avoir commandé l'assassinat de 50 paysans. Tout sourire, il blague: "Dire que je n'ai même pas vu le nouveau tramway de Bogota..." Et pendant ce temps le président fait des blagues à propos de son cellulaire.

Mais je ne vous écrit pas ce message seulement pour dénoncer les horreurs de la Colombie. Plusieurs parmi vous ont vu le film Good Bye Lenin, une merveilleuse histoire d'amour entre un fils et sa mère sur fond de débâcle du communisme allemand. Le même genre de nostalgie du communisme que dans les films de Kusturica dont je vous parlais récemment. Hé bien, si Alex dans Good Bye Lenine souhaite inventer un monde socialiste comme sa mère en rêverait, les habitants de Sumapaz en Colombie eux l'ont créé ce monde.

Sumapaz est une région rurale tout près de Bogota. En fait, c'est comme un arrondissement rural de la ville. Et nous avons eu la chance, voire le privilège d'y être invité. Sumapaz est un îlot commnuniste à quelques kilomètres de la capitale colombienne. Dur à croire mais vrai. Et ici nous sommes loin des goulags russes, des murs allemands et des tanks soviétiques. Sumapaz m'a en quelques sorte redonné un peu confiance en l'humanité, en la possibilité d'un monde plus juste, plus humain.

En accompagnant les professeurs de l'école artistique itinérante de Sumapaz nous avons pu rencontrer des instituteurs d'écoles, des étudiants, des paysans, une étudiante en anthropologie. Et tous concordent. Ici, à Sumapaz, nous sommes communistes. La meilleure preuve qu'ils disent la vérité: des soldats parcourent la campagne, établissent un campement à 50 mètres d'une école primaire, ont un check-point pour contrôler qui entre et qui sort de cet îlot.

Les paysans de Sumapaz ont toute une histoire de lutte et de résistance. Leurs enfants, qui fréquentent l'école sont aussi complètement distincts des étudiants du secondaire que nous connaissons.

Une chaleur, une curiosité et un esprit de solidarité sans égal se dégage d'eux. Quand ils comprennent que je parle français, un jeune garçon, Jason, à brûle-pourpoint me demande: "Récite moi un poème en français!". Je reste bouche-bée. Messemble que à 14 ans c'est étrange. Et les autres sont tout aussi adorables. Bien nourris, en forme, ils témoigne d'une affection surprenante pour leurs professeurs et leurs collègues de classe. Leur école, baptisé du nom d'un leader paysan de la région, est en parfait état. Un laboratoire informatique à la fine pointe. Et leurs professeurs? Ils ont la vocation. L'école est tellement isolée qu'ils y vivent. Pour un salaire de 400$ par mois.

Ces étudiants, dont certains font plus de 2h de route pour se rendre à l'école iront loin. Ceux qui iront le plus loin sont probablement ceux qui resterons dans la région. À travailler de la terre. Comme me le confie une jeune fille d'environ 16 ans : Il n'y a rien de mal à être paysan. Les plus doués se verront offrir d'aller étudier à Cuba ou au Venezuela. Gratuitement. Plus de 15 jeunes sur 80 gradués y sont déja. Et nos universités canadiennes, quand offrent-elles des bourses d'études à des fils de paysans colombiens?

Pendant ce temps, le gouvernement colombien tente de vendre le paramo de Sumapaz, le plateau montagneux le plus grand au monde. Une source d'eau infiniment précieuse. Mais les paysans et leurs enfants connaissent la valeur de ce territoire et sont près à le défendre.

Je sort de Sumapaz ébranlé. Ébranlé mais réjoui. Ici, les jeunes ne se disent pas communistes. Ils le sont. Pas besoin de faire des grafitis ou d'avoir des portraits de Lénine comme à l'Université Nationale à Bogota. L'utopie n'est pas morte. Longue vie à Sumapaz.

Rémi qui se fait réveiller à 5h le matin...

L'incroyable paramo de Sumapaz.

Des terroristes (selon le gouvernement colombien et probablement le Ministère des Affaires Étrangères canadien)

1 commentaire:

Laurence a dit...

Phil, c'est un message que j'ai envoye a une grosse liste de personnes... Je ne doute evidemment pas une seconde de ton assiduite!
Par ailleurs, suite a ce message, une amie qui ne te connais pas m'a repondu qu'elle allait aussi lire ton blog maintenant! Imagine! Tu as des fans inconnus!