samedi 14 février 2009

Liberta, grido il tuo nome!


Apres avoir chialé contre Iron Man sous-titré hongrois, je n'ai pu résister à l'envie de connaître cette langue. Car, jusqu'à maintenant, mes voyages en Europe m'ont amené à la recherche de la langue perdue. Car après le basque (qui bat des records de difficulté) et le sympatique catalan, je me suis attaqué au hongrois et à la surprenament belle Budapest.

Vous savez le hongrois ne fait pas partie des langues indo-européennes (comme pratiquement toutes les langues d'Europe, jusqu'aux langues parlées en Afghanistan, au Nepal, etc) mais bien des langues finno-ougriennes comme le finlandais et aussi les très connues langues caréliennes, live (parlée par 43 personnes dont 8 la parlant comme langue maternelle) et oudmourtes. Aussi bien dire que le hongrois ne ressemble à rien pantoute. Et, là, je le jure, c'est vraiment la première fois que je ne connais aucun mot d'une langue. L'allemand, j'apprenais vite. Je réussissais à demander quelques affaires, le basque, je pouvais me rabattre sur l'espagnol mais le hongrois vraiment là, blocage.

Comme j'ai décidé d'aller en Hongrie sur un coup de tête, je ne savais pas trop où dormir. J'ai donc été sur couchsurfing et j'ai eu la révélation.

Je l'ai déjà dit à certains, mais pour moi, faire du pouce est une expérience mystique. C'est vraiment biblique même. T'attends sur le bord de la rue. Tu portes ton sac (croix) et t'attends. On l'espère pas 40 jours et 40 nuits mais des fois c'est sérieusement long. Avec Rémi à Cambelton, vraiment là c'était plus drôle. Cet été Danielle et moi avons aussi passé facilement 2 heures à la pluie battante devant le village (fort sympatique) de Grosses-Roches. Mais 2 heures à la pluie c'est long. Et de voir les dizaines de voitures passer sans s'arrêter c'est vraiment dur sur le moral et surtout sur la foi dans l'humanité. Et là, il arrive, le rédempteur, celui qui lave les péchés des autres à la vitesse de l'éclair, le gaspésien mytique, avec son pick-up, sa Bud entre les cuisses et sa guitarre.

Il devait aller à 120 km/h mais a "crissé" les breaks en nous voyant. 19 ans, impliqué dans le club de trappeurs de la Gaspésie il allait, attention, à Chibougamau. Il s'est dit, ben, faut que je passe par Québec. En fait, il ne savait ou c'était Chibougamau. Disons qu'une fois à Québec t'es pas tout à fait rendu. Tout ça pour dire qu'une seule personne a fait disparaître toute l'antipathie que nous pouvions avoir envers toutes les autres. Un rédempteur que je disais.

Mais, il y a mieux. J'ai nommé CouchSurfing.

L'idée est simple mais comme bien des idées simples on dirait que ça ne va pas de soi. Une communauté de personnes qui proposent gratuitement de dormir sur leur divan et de faire visiter la ville dans laquelle ils vivent en échange de... rien. Une nouvelle amitié. Avouez que dans le monde dans lequel on vit, si quelqu'un vous avais dit ça il y a 5 ans vous auriez cru le projet impossible. Voyons voir les statistiques du site (site sans publicité!):

Hier, il y a eu 2386 rencontres réelles entre des gens qui ne se connaissaient pas. De ce nombre, une partie des gens a indiqué si l'expérience leur a plût.
1701 a dit que l'expérience a été positive, 4 ont dit que cela avait été négatif.

Comparez à ce qu'on trouverait comme appréciation pour un hotel ou une auberge de jeunesse...

Depuis l'existence du nouveau site (2006) le taux d'expériences positives est de 99.801%.

Donc, voilà, je suis moi aussi enthousiasmé après avoir dormi chez une Normande de Budapest. Et la semaine prochaine, Maxime, Andrée-Anne, une autre amie québécoise et moi partirons pour Dunkerque dans le Nord de la France. Un couple franco-croate nous hébergera avec CouchSurfing. Donc, en attendant de tomber dans le 0.2% d'expériences négatives, je suis vendu.

Et j'ai aussi rencontré un autre genre de bonhomme dans mon trajet de Budapest à Bologne en Italie. Je marche un peu dans le train garé à Milan. Un homme me demande si j'ai froid, je dit que non. 5 minutes plus tard il revient et me demande si je suis italien. Je dis que non, je suis canadien. Il dit qu'il est algérien. C'est bien. Je retourne dans mon compartiment.

Il vient s'asseoir près de moi. Il a vraiment une sale gueule. Un malabar comme on dit. Il me demande si j'étudie à Bologne (qui compte la plus vieille université d'Occident: 1066, ça fait mal à un 400 ans). Je dis que non, je suis en vacances. Et là je demande: "Toi, tu travailles à Bologne". Il dit: "Non, je suis sorti de prison aujourd'hui à 16h". Voilà. Et là, comme par magie, le type m'est apparu plus sympatique. S'il avait dit autre chose, je l'aurais encore trouvé louche mais là, c'était clair, le type sortait de prison. C'était ça sa sale gueule. 1 an et demi en dedans, tu sors pas vraiment avec le sourire.

Et là il entreprend de me raconter la vie carcérale. J'ai à un moment eu le vertige. Sérieusement, un colosse de 35 ans, né à Barbès, qui me raconte la vie d'un homosexuel arabe dans une prison italienne. Disons, que y'a comme un monde qui me sépare de Michel et de son chum russe de 19 ans qui en a encore jusqu'à septembre.
Il a donc entrepris de me raconter toute sa vie sentimentale depuis l'âge de 13 ans, son premier chum, Philippe, d'un lycée parisien, son mariage raté sous la pression de sa famille, son chum italien qui s'est tué dans un accident de voiture (alors que Michel conduisait), son chum italien qui allait le chercher à son arrivée cette nuit là à 4h du matin.

Le type avait une rage de parler. Il ne s'est pratiquement pas interrompu. Il me faisait penser à cet homme qui m'a donné un lift allo-stop, ancien cocaïnomane, qui m'a entretenu pendant 2h et demi de la dépendance aux opiacés et des NA. Fight Club a visé juste en illustrant la quête de sens et d'humanité qui pousse Marla et Edward Norton a frequenter des groupes d'entraide. Michel, l'ex-détenu, semblait avoir ce besoin de serrer quelqu'un dans ses bras, de se confier. J'ai accepté de jouer au psy (d'autant plus que la banquette du train me replaçait dans la peau du Viennois Freud). Le serrage dans les bras, j'ai passé mon tour.

Comment ça marche pour les gays en prison, la relation avec les gardes, les droits des détenus, la section "protégée" pour les violeurs, le train-train quotidien, les douches. Il a tout débité. Et il pouvait parler d'un naturel du "41 bis" comme si l'humanité entière était familière avec le jargon des prisons italiennes. Et, c'est fascinant comme une institution comme la prison est puissante. Même si c'est historiquement extrêmement inefficace (voir Un monde sans prison? d'Albert Jacquard) si je vous demandais si on pourrait faire une société sans université, sans armée, sans hôpitaux, vous répondrez sûrement que oui, mais que ce serait pas évident, qu'il faudrait changer des choses mais, dans le fond, oui ce serait possible. Mais une société sans prison? Inimaginable. Et pourtant. La prison est l'exemple suprême d'un gaspillage de ressources sans fin, qui sert d'école du crime, qui brise des humains et qui nous fait sentir (nous, ceux à l'extérieur) relativement peu un sécurité. Car, on le sait, les prisonniers finiront par sortir. Plus endurcis, humiliés, asociaux, brisés par "notre système". Rassurant.

Michel, une belle leçon d'humanité. Bonne chance pour le reste.

Photo: Liberté, je crie ton nom: affiche pour un événement pour en finir avec les prisons. Un peu plus pertinent que la radio-poubelle.

1 commentaire:

FD a dit...

Morin, la dernière fois que j'ai entendu parler du Couchsurfing c'est lorsque Mathieu Lemelin en ventait les avantages de pouvoir choisir la gueule de l'hôte. Et j'imagine que tu aquiesces!
Pour terminer l'histoire, c'était aussi à Budapest, plutôt Pes(ch)t que Budà, et il n'a pas dormi sur le divan.
Alors cesse de dire que c'est l'idée la plus géniale du siècle. À l'extrême, plus besoin d'aller au cabaret pour trouver une épaule... juste à surfer. Mais ne suis-je pas puritain et prude.

En passant, je sympatise aussi avec les Véritechs et les Spirou et Fantasio de la bibliothèque Gaby Roy qui m'ont aussi permis d'aller à l'université.

FD